Les partenaires du projet DEF'Hy : France Hydrogène, l’AFPA, EIT Innoenergy, Pôle emploi, RCO-le Réseau des Carif-Oref et Adecco Digital France, publient les résultats du diagnostic et de l’analyse réalisés sur les compétences, métiers et formations de la filière hydrogène. Mené en six mois, DEF’Hy met en lumière la nécessité d’anticiper, de donner de la visibilité et d’innover pour recruter l’ensemble des talents qui permettront à la filière de réaliser son plein potentiel.

Soutenue à hauteur de 9 milliards d’euros, la filière hydrogène est une filière industrielle stratégique qui présente un très fort potentiel de création et de conversion d’emplois. Avec plus de 100 000 emplois directs et indirects créés à l’horizon 2030, l’enjeu est à la fois technologique, industriel, économique et social. 

La tendance se confirme : la filière recrute, la tension pèse sur tous les métiers 

Le secteur en phase d’industrialisation est en plein essor comptabilisant 3500 emplois directs en 2021 et 5800 en 2022. La dynamique croissante se confirme côté offres d’emploi avec 6800 offres liées à l’hydrogène recensées en 2022 soit une augmentation de 77% par rapport à 2019. L’étude a permis d’analyser précisément cette dynamique industrielle afin de pouvoir anticiper et accompagner la montée en puissance de la filière.  

Trois phases se dégagent correspondant à des pics de recrutement sur différents profils attendus à l’horizon 2030 : 

  • 2023-2025 : l’innovation et le développement des projets nécessiteront de faire appel très majoritairement à des ingénieurs et des développeurs d’affaires (80%) aux niveaux de qualifications élevés (bac +5) mais également à quelques métiers techniques qui interviennent dans cette phase de conception 
  • 2026-2028 : le démarrage et la mise en service des projets feront progressivement monter le besoin en techniciens jusqu’à 40%, plus particulièrement pour la mobilité à l’avant-garde du déploiement des projets (véhicules, stations) 
  • Enfin la période 2028-2030 sera celle de la stabilisation avec une filière industrielle qui fera appel à 80% de techniciens pour exploiter et maintenir ses installations avec des profils aux niveaux de qualifications moins élevés. 

Aujourd’hui, de nombreux projets hydrogène étant en phase de développement, le métier de Chef de projet est naturellement le plus recherché représentant 17% de l’ensemble des offres d’emploi. Les techniciens de maintenance et d’exploitation arrivent en 3ème position parmi les métiers les plus recherchés. 

Top 5 des métiers les plus recrutés 

Cette forte augmentation des embauches dans la filière hydrogène conjuguée à une pénurie de main-d’œuvre généralisée sur les filières industrielles engendrent donc une tension qui concerne les plus de 80 métiers auxquels la filière fait appel. Certains d’entre eux cumulent les facteurs qui intensifient cette tension comme la spécificité de formation ou de qualifications requises, des conditions de travail parfois contraignantes ou une inadéquation géographique entre l’offre et la demande. 

Des besoins en compétences générales mais aussi très spécifiques sur l’hydrogène, une offre de formation qui se structure pour y répondre 

Les entreprises mettent en avant un besoin de connaissances spécifiques à l’hydrogène et son écosystème mais aussi de nombreuses compétences communes à l’industrie – auxquelles font déjà appel les filières batteries et nucléaire par exemple – avec un besoin d’adaptation plus ou moins marquée aux spécificités de l’hydrogène. Connaître les risques et la sécurité liés à l’environnement hydrogène est prioritaire de la conception aux usages notamment pour les nouveaux entrants de la filière. 

Point positif : l’offre de formation est en développement et en pleine structuration pour répondre à ces besoins. Avec 216 formations recensées – du module de sensibilisation, aux formations connexes à l’hydrogène ou encore « cœur hydrogène » (1), l’offre existe mais souffre d’un défaut de visibilité et de lisibilité. En effet, 65% des entreprises les jugent insuffisantes malgré leur nombre et leur diversité. Les modules de sensibilisation ou d’acculturation représentent 25% de l’offre. Seules 35% des formations sont certifiantes ce qui témoigne d’une offre en cours de construction. On notera que moins d’une dizaine d’offres de formation ont trait à la sécurité, pourtant indispensable aux salariés qui évoluent dans des environnements hydrogène. Géographiquement, les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes concentrent 38% de l’offre de formation, les projets étant en développement partout sur le territoire, ceci peut constituer un point de vigilance. 

Des leviers pour permettre à la filière hydrogène de recruter malgré les tensions sur le marché du travail industriel 

La montée en puissance de la filière conjuguée à la concurrence des secteurs industriels entre eux génère des tensions qui font peser un risque sur le bon développement de cette industrie.  

Ainsi, la filière va devoir mieux anticiper les besoins de main-d’œuvre en s’appuyant régulièrement sur des enquêtes et en capitalisant sur les travaux prospectifs. Concrètement, la mise en place d’un Observatoire des compétences et métiers de la filière hydrogène permettrait d’éclairer les dynamiques d’emploi afin de les anticiper. La filière a également besoin de visibilité : elle doit renforcer son attractivité en faisant connaître ses opportunités d’intégrer une filière industrielle liée au développement durable, son fort besoin de recrutement et les compétences auxquelles elle fait appel et qui peuvent ouvrir la voie à des reconversions d’emplois. Ce besoin de visibilité s’applique également à l’offre de formation en plein développement que les bénéficiaires et les entreprises doivent mieux connaître. L’offre doit se structurer pour répondre aux besoins identifiés des industriels et à la montée en puissance prévue de la filière en développant les formations certifiantes en facilitant par exemple les démarches d’inscription au RNCP et au RS (2), mais aussi en créant des CFA dédiés à l’hydrogène ou encore en mettant en place un label formation sécurité H2, garantissant le niveau d’exigence pour un déploiement sûr des installations. Le recensement, la mutualisation et le développement d’équipements pédagogiques – notamment de plateaux techniques dédiés à l’hydrogène – contribuera à consolider l’offre de formation. 

Enfin, la filière devra favoriser les dynamiques territoriales en s’appuyant plus particulièrement sur les régions afin de développer les compétences en rapprochant les besoins des entreprises avec des compétences existantes au sein d’un bassin d’emploi pour coconstruire des parcours individualisés certifiants. Ces « Pass métiers » basés sur la transférabilité des compétences permettront à des salariés de certains secteurs industriels en décroissance d’envisager une reconversion dans une filière de la transition écologique et ainsi établir des passerelles entre filières industrielles. 

Comme attendu, la filière hydrogène est aujourd’hui dans une phase d’industrialisation se traduisant par une accélération des recrutements à court et moyen termes créant une tension sur l’ensemble des métiers de sa chaîne de valeur. Confrontée à une concurrence entre secteurs industriels, elle doit anticiper et se montrer innovante pour sécuriser les talents dont elle a besoin dès aujourd’hui.

L’attractivité de ses métiers qui participent à l’effort de décarbonation de l’économie doit être mise en avant. L’offre de formation en plein développement doit se structurer et être rendue plus lisible pour les bénéficiaires et les industriels. La filière doit également saisir l’opportunité de transférabilité des compétences en créant des passerelles avec des secteurs industriels en décroissance. L’ensemble des leviers doit être mis en œuvre rapidement pour permettre à la filière hydrogène de tenir ses promesses en termes de création et conversion d’emplois dans les années à venir et ainsi réduire les risques identifiés.

(1) Classification proposée dans le cadre de l’étude pour apporter de la lisibilité à l’offre de formation 

(2) Répertoire national des certifications professionnelles et Répertoire spécifique