La 10ème édition des Journées Hydrogène qui se tenait à Pau du 13 au 15 juin a permis d'aborder la massification, l’infrastructure de transport et même l’hydrogène naturel.

Précisons en préambule que France Hydrogène a célébré à la veille de cet événement ses 25 ans. L’occasion de remémorer quelques pages de son histoire avec des témoignages d’acteurs clé. La première édition des Journées avait eu lieu à Albi, en 2013. Il y a eu ensuite Belfort en 2014, Cherbourg en 2015, Grenoble en 2016, Nantes en 2017, Toulouse en 2018, Marseille en 2019, Dunkerque en 2021 (pas d’édition en 2020 pour cause de Covid), Rouen en 2022 et donc Pau pour cette année. 

Dans le cadre de ces Journées Hydrogène, France Hydrogène a publié un petit livret proposant une vision de la filière et ses recommandations, dans le contexte de la révision de la stratégie nationale hydrogène. Ce document a pour objectif de rappeler au gouvernement deux objectifs majeurs afin de poursuivre le déploiement dans les meilleures conditions : décarboner profondément grâce à l’hydrogène les secteurs de l’économie, tout en réindustrialisant les territoires. Ensuite, il s’agit de considérer les projets de taille intermédiaire, et tous les usages dont la mobilité. France Hydrogène met notamment l’accent sur la mobilité routière et demande un soutien aux champions industriels. Dans sa structure, le document fait le bilan des premières années de déploiement, met en avant une étude pour établir les meilleures modalités de déploiement et servir la réindustrialisation, évoque une planification écologique et plaide pour une trajectoire qui réalise le plein potentiel de décarbonation et de réindustrialisation. L’association estime qu’entre 2,6 et 3 GW de capacités de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable pourraient être financés, et qu’il est impératif de poursuivre l’effort jusqu’à 6,5 GW.  

Autres points à retenir : la nécessité d’une massification du nombre de projets et d’usagers ; la prise en compte de la mobilité routière, maritime et aéronautique qu’il faut saisir sans délai ; un ajustement des modalités pour garantir le succès de la stratégie française à 2030 dont les objectifs sont pertinents. A propos de mobilité, il a été fait mention d’une coalition pour développer la filière des utilitaires. Ainsi, on a appris que le passage à l’échelle était possible à partir d’un seuil de 100 000 utilitaires à l’hydrogène. « 100 000 VUL, c’est 100 000 piles, 300 000 réservoirs et 10 millions de plaques bipolaires et de membranes MEA », a ainsi souligné Valérie Bouillon-Delporte, première Vice-Présidente de France Hydrogène. 

Un partenariat entre Verso Energy et Equans 

À l’occasion de la 10e édition des Journées Hydrogène dans les Territoires à Pau, Verso Energy et Equans France ont officialisé un partenariat visant à développer des projets d’infrastructure d’hydrogène pour la mobilité lourde. Leurs expertises complémentaires leur permettront notamment d’optimiser la conception des installations, le schéma d’approvisionnement en électricité et de sécuriser les financements, en recherchant de nouvelles subventions nationales et européennes. Cette collaboration marque une étape importante dans la continuité de leur collaboration sur les projets Alp’Hyne et H2Bycol, récemment lauréats de l’appel à projets européen Connecting Europe Facility (CEF). 

Du neuf dans les stations 

Pendant ces Journées, Atawey, le fabricant savoyard de stations à hydrogène, a fait le point sur des technologies qui permettent de faciliter le déploiement de l’infrastructure de recharge. Il exposait en extérieur la station mobile. Mais c’est sur la technologie que le fabricant a choisi de communiquer. ll a en effet présenté deux outils de diagnostic. Le premier a pour nom ata’START et permet de réaliser un autotest en mode automatique, au moment de la mise en service. C’est un système utile lorsqu’on transporte une station ou en cas de dépannage. Il sera implémenté bientôt sur l’ensemble des stations compactes et mobiles.  

Le second outil, ata’CHECK, est un autotest quotidien. Il permet de prévenir les risques et les défaillances pour gagner en sécurité et augmenter en conséquence le temps de disponibilité des stations. Il est implémenté sur les stations (évolutives, compactes et mobiles) depuis fin 2022. Pour Atawey, la maintenance préventive est une innovation de rupture qui répond aux attentes des écosystèmes hydrogène.  

Pour sa part, McPhy a livré à l’opérateur Dyneff une station McFilling 20-350. C’est la première station implantée en France sur une autoroute. Elle se situe à la sortie de Toulouse, en direction de Carcassonne. Compatible 700 bars, cette station est un « starter kit ». Autrement dit, c’est une petite station qui permet de répondre à de premiers usages sans avoir à investir trop lourdement. En raison de l’AFIR, qui impose des points de recharge (bornes, stations à hydrogène), les sociétés d’autoroutes et les pétroliers commencent à intégrer l’hydrogène. Il n’est pas très surprenant que l’Occitanie accueille cette première station : la région est très volontaire sur l’hydrogène et prépare des corridors pour alimenter notamment le transport routier. 

Teréga a des projets dans le pipe ! 

Pendant l’événement, l’opérateur gazier a fait le point sur ses projets d’infrastructures pour relier l’Espagne à la France et desservir le sud-ouest, notamment le projet H2MED qui reliera le Portugal et l’Espagne, puis la péninsule ibérique à la France (via la liaison Barcelone-Marseille), d’où d’autres liaisons assureront la continuité avec le reste de l’Europe. Le projet doit en principe aboutir en 2030. Ce canal pourra acheminer jusqu’à 2 millions de tonnes, de quoi couvrir 10 % des besoins de l’Europe à l’horizon 2030. Une des questions qui se pose est celle de pouvoir faire le lien avec le site de Port-La-Nouvelle en Occitanie, qui est amené à être un gros hub de production d’hydrogène. Il semble exclu d’envisager une liaison sous-marine. Une des options pourrait être d’établir un tracé le long de la côte.  

En parallèle, Teréga projette également de construire 600 km de canalisations pour le transport d’hydrogène dans le sud-ouest dans le cadre du projet HySoW. Il s’agit ici de desservir les pôles de Pau, Bordeaux, Toulouse et Port-La-Nouvelle. Afin de sécuriser le projet, Teréga va lancer sur son site un appel à manifestation d’intérêt afin de mieux cerner les besoins en hydrogène. Cela permettra de trouver également des partenaires financiers et d’affiner le modèle économique. De façon combinée, l’opérateur projette également de construire 600 km de canalisations pour transporter du CO2. Là encore, un appel à manifestation d’intérêt va permettre d’identifier les entreprises qui émettent du CO2. Ce gaz pourrait être valorisé auprès d’industriels (par exemple les cimentiers) qui souhaitent mélanger ce CO2 avec de l’hydrogène pour en faire des carburants de synthèse, dont du méthanol. 

L’hydrogène naturel abordé aux Journées de Pau 

Aux Journées de Pau, il a été également question d’hydrogène naturel. Et cela a été l’occasion d’entendre la grande spécialiste du sujet, Isabelle Moretti, ex-directrice scientifique d’Engie et chercheuse à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Précisons qu’à l’ouverture de l’événement, le maire de Pau, François Bayrou, avait été interrogé lors du point presse sur l’hydrogène naturel. Invité à réagir par rapport à un gisement supposé en Moselle, il avait alors répondu qu’on pouvait en trouver aussi en Nouvelle-Aquitaine. Et c’est ce que confirme le Dr Isabelle Moretti. Considérée comme l’une des meilleures expertes, cette chercheuse est également membre de Earth2 et vice-présidente du pôle énergie de l’académie de technologies. Le coût de revient de l‘hydrogène naturel serait de quelques dizaines de centimes par kilo. L’exemple le plus connu est celui du Mali, avec un puits exploité par la société Hydroma. « Le puits a été creusé à 100 m et la pression n’est jamais retombée », déclare la chercheuse. On sait depuis longtemps qu’il y a des émanations d’hydrogène au fond des océans, tout comme dans les régions montagneuses. Comme l’explique Isabelle Moretti, « l’hydrogène naturel est produit par oxydo-réduction quand des roches riches en fer se retrouvent au contact de l’eau ». Et d’ajouter : « Les émanations ont été constatées en cherchant autre chose, comme de l’eau, du charbon ou des hydrocarbures ».  

Le sujet fait l’objet d’un regain d’intérêt depuis que la législation française reconnait, depuis 2022, l’hydrogène comme une ressource naturelle. Plusieurs sociétés, telles que 45.8 Energy (qui cherche aussi de l’hélium) dans le Massif Central et le Jura, ou TBH2 Aquitaine à Pau, déposent des permis. Mme Moretti précise que « des indices laissent à penser que des gisements puissent exister au nord des Pyrénées à Orthez, et au sud en Espagne sur le puits de Monzon ». « Tout comme dans les Alpes », indique l’experte. Plus récemment, la Française de l’Energie a annoncé un gisement en Lorraine. En dehors de la métropole, la Nouvelle-Calédonie représente peut-être un débouché intéressant. L’hydrogène naturel pourrait possiblement y représenter 15 % des besoins en énergie. Il y a aussi des sociétés spécialisées à l’international comme Natural Hydrogen Energy qui a déposé un permis dans le Nebraska. Plusieurs pays comme la Namibie, le Brésil, l’Australie s’y intéressent également. « Il est difficile d’estimer les gisements », reconnaît Isabelle Moretti. « Mais, qui sait, peut-être que l’hydrogène blanc représentera 10 % de la production d’hydrogène dans dix ans et bien plus après », pronostique-t-elle. Mais avant tout cela, il faudra identifier les gisements et exploiter des puits. S’ils ne le disent pas officiellement, les producteurs d’énergie (comme Engie) et les pétroliers regardent cette nouvelle source d’énergie. Et on n’a pas fini d’en parler. 

Comment Alstom prépare le train à hydrogène à Tarbes 

Dans son centre d’excellence à Tarbes, spécialisé dans les chaînes de traction électriques, Alstom prépare l’arrivée en France de l’hydrogène sur les rails. Si le groupe dispose de plusieurs sites dans l’hexagone, c’est bien à Tarbes que sont conçus les composants qui servent pour les trains à hydrogène. Alstom n’est pas un constructeur dogmatique, puisqu’il travaille aussi bien sur l’hybride Diesel-électrique que sur l’électrique et l’hydrogène. Mais sur ce dernier point, il considère qu’il a trois ans d’avance sur la concurrence. Il est vrai qu’Alstom a démarré un service commercial de trains à hydrogène dès 2018 en Allemagne et qu’il totalise plus de 40 commandes sur ce type de train.  

En France, c’est la technologie bimode qui a été retenue (électrique avec les caténaires et hydrogène sur les lignes non électrifiées). 12 trains ont été commandés par les régions françaises, en partenariat avec la SNCF. Le site de Tarbes ne fabrique pas de piles. Il peut en revanche les tester. Alstom se fournit auprès de plusieurs fournisseurs, mais il développe son expertise suite au rachat de Helion Hydrogen Power. Nous avons également appris que les développements dans le camion à hydrogène intéressent beaucoup le groupe, les contraintes étant assez proches. 

Premiers prix France Hydrogène : et les lauréats sont… 

Dans le cadre des Journées Hydrogène de Pau, l’association a remis pour la première fois ses prix. En introduction, le Président de France Hydrogène, Philippe Boucly, a déclaré que ces prix étaient une « façon supplémentaire de mettre en avant le dynamisme de la filière », reflétant « l’ensemble de la chaîne de valeur ». Les start ups pouvaient participer, tout comme les grands groupes. Pas moins de 37 dossiers ont été reçus, dont 15 qui ont particulièrement retenu l’attention du jury. Ces prix ont été décernés par un jury constitué de partenaires parmi lesquels le Club vision hydrogène (représenté par l’ancien député Michel Delpon, Président du Jury), Bpifrance (représenté par David Pomonti), la FNCCR (représentée par Wilfried Kopec), et CCI France. Le député du Rhône Jean-Luc Fugit, Président du Conseil Supérieur de l’Energie, était également membre du jury. 

Voici la liste des lauréats des Prix décernés par France Hydrogène : 

  • Prix de l’innovation : Atawey pour sa station mobile 
  • Prix du déploiement : le SYDEV (Syndicat d’énergie de Vendée) pour son écosystème hydrogène à l’échelle départementale 
  • Prix coup de coeur : Mincatec Energy pour son réservoir de stockage d’hydrogène sous forme solide   
  • Prix du public : Transdev Normandie pour le retrofit de son autocar Nomad H2 

Dijon accueillera les prochaines Journées Hydrogène 

En clôture des Journées, Philippe Boucly a annoncé que Dijon accueillerait en 2024 la 11ème édition des Journées Hydrogène dans les territoires. La candidature était portée par la métropole de Dijon et la région Bourgogne Franche-Comté. C’est une satisfaction pour un grand territoire qui s’investit depuis longtemps dans l’hydrogène : Dijon porte un projet hydrogène à 100 M€, qui s’apprête à entrer dans sa phase opérationnelle. Selon le Bien Public, deux bennes à ordures ménagères (BOM) roulant à ce carburant sont déjà arrivées. Il faut maintenant installer l’électrolyseur, en cours de tests, sur la station nord, vers Valmy. « Nous produirons de l’hydrogène vert (par électrolyse en dissociant l’hydrogène et l’oxygène de la molécule d’eau), c’est en cela que notre projet est particulièrement ambitieux », rappelle le maire de Dijon et président de la métropole François Rebsamen. Qui ajoute : « Je soutiens totalement le président de la République dans sa volonté de reconquête industrielle de notre pays ».