Producteur indépendant d'électricité renouvelable, le groupe Qair a décidé il y a trois ans de se diversifier dans l’hydrogène. Le projet de Port-la-Nouvelle (Aude) inaugure une série de sites de production avec derrière des usages pour la mobilité et l’industrie.
Jérôme Billerey, Directeur Général de Qair premier ElemenT
Stéphane Arnoux, Directeur Général d’Hyd’Occ

Pouvez-vous d’abord revenir sur la genèse du projet de Port-la-Nouvelle ?

Au démarrage, l’Etat a lancé un TIGA (Territoire d’Innovation – Grande Ambition) dont nous avons été lauréat avec la région Occitanie sous le nom Littoral +. Le groupe Qair a proposé des fiches actions pour décarboner le transport maritime et le transport routier grâce à l’hydrogène. Par ailleurs, nous avons aussi répondu avec la région à l’appel à projets « Ecosystèmes territoriaux hydrogène » de l’ADEME. C’est ainsi que le projet de hub à Port-la-Nouvelle, qui a pour nom HYVOO, a été retenu. Celui-ci est porté par la société Hyd’Occ, que Qair Premier Elément (filiale du groupe Qair) a créée avec l’AREC Occitanie, et dont elle détient 65 %. L’ambition est de construire une usine de production d’hydrogène vert, obtenu par électrolyse et une électricité issue d’énergies renouvelables. La mise en service de la production et distribution est prévue pour fin 2023-mi 2024. Le permis de construire a été déposé et nous espérons avoir le dossier d’autorisation environnementale au dernier trimestre.

Quelle est la taille de ce projet ?

Avec une capacité de 6 000 t/an à terme, ce sera l’une des plus importantes de France. Le site permettra de répondre aux usages en matière de mobilités lourdes (maritime, terrestre, fluvial, ferroviaire) et d’industrie.  L’écosystème HYVOO se trouve renforcé par le projet Corridor H2, à l’initiative de la Région Occitanie, qui vise à décarboner la mobilité lourde sur un axe Nord/Sud allant de la Méditerranée à la Mer du Nord, avec le soutien de la Commission européenne et de la Banque Européenne d’Investissement. Cet écosystème bénéficie d’un financement de l’État à hauteur de 11,4M€, via 2,25M€ de crédits « France Relance » du préfet de la région Occitanie et l’appel à projet « Écosystèmes territoriaux hydrogène » opéré par l’ADEME, ainsi que d‘un financement de la Région à hauteur de 3,4 M€. Pour l’ensemble du programme, c’est un investissement de 80 à 100 millions d’euros qui sera nécessaire.

Quels usages sont d’ores et déjà prévus ?

Par exemple, en milieu portuaire, l’hydrogène généré servira à alimenter une Drague (projet Hydromer développé par la région Occitanie), des navires et des groupes électrogènes. Nous collaborons également avec le groupe Veolia, qui pourrait aussi utiliser cet hydrogène pour une centaine de véhicules à haute intensité d’usages. Il y a aussi une réflexion avec le Grand Narbonne par rapport à des bus et des autocars, avec le groupe Charles André pour le transport de matières dangereuses ou encore avec les ciments Lafarge pour décarboner leurs activités.

Comment voyez-vous la distribution de l’hydrogène dans les territoires environnants ?

L’hydrogène sera stocké sous forme gazeuse dans des containers, à une pression supérieure à 500 bars. Notre intention est d’alimenter des stations et des clients industriels dans un rayon de 100 à 200 km autour de l’usine de Port-la-Nouvelle. Nous portons d’ailleurs un projet, baptisé CorrHyd’Occ qui vise à déployer 5 stations à Toulouse, Narbonne, Perpignan, Castelnaudary et Montpellier pour décarboner le transport lourd.

Récemment, France Hydrogène a publié une étude sur le rôle des écosystèmes portuaires. Vous estimez vous situer dans cette dynamique ?

Oui. Port-la-Nouvelle est une zone portuaire en pleine réhabilitation, avec une SEMOP (société d’économie mixte à opération unique), dont les capitaux sont à 51 % privés et dont la région est partie prenante. Les ports ouvrent des opportunités pour du transport multimodal. Dans notre cas, il y aura une source d’hydrogène à disposition. Tous les ports ne peuvent pas en dire autant.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

En effet. Nous avons annoncé un autre projet en Occitanie, à Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Qair Premier Element y participe avec DH2. Il devrait aboutir dans deux ans. L’ambition est de construire une usine de production d’hydrogène et un parc photovoltaïque de 50 MW. La particularité du projet est qu’il intègre des canalisations de transport d’hydrogène. Nous essayons de mobiliser les acteurs du territoire afin de bâtir un backbone H2 en France. Ce réseau de canalisations pourrait ensuite alimenter des stations pour du transport routier et ferroviaire, mais aussi des sites industriels. Par ailleurs, on imagine sortir de la région Occitanie. Notre souhait est de dupliquer le modèle de Port-la-Nouvelle avec des sites de production venant alimenter des usages dans des rayons de 100 à 200 km. Nous avons un certain nombre de projets en France. C’est le début d’une stratégie industrielle autour de l’hydrogène.

Vous avez récemment émis des obligations vertes. Dans quel objectif ?

Qair est une ETI, qui porte des projets dans l’éolien et le solaire. A ce jour, nous avons une capacité installée de 650 MW et nous allons dépasser le gigawatt en fin d’année. Nous avons en effet émis des green bonds (obligation vertes) pour un montant de 43 millions d’euros. Cela va permettre de renforcer nos fonds propres et de financer des projets, y compris dans l’hydrogène, en France comme à l’international.