Après Toyota, Hyundai et plus récemment Honda, c’est au tour de Hopium de proposer sa pile à combustible aux acteurs de la mobilité lourde. Une façon de temporiser, en attendant un contexte plus favorable à l’automobile.

Traversant des difficultés financières, le jeune constructeur Hopium a dû revoir sa stratégie. Sans renoncer à sortir sa berline Machina, qui reste dans le giron de Hopium Automotive et a pour vocation d’être la « vitrine technologique », l’entreprise a créé la structure Hopium Technologies pour valoriser son savoir-faire. Elle met en avant le caractère innovant de son système pile à combustible, protégé par 27 brevets. Chiffres à l’appui, Hopium indique des « rendements inégalés » qui sont de 5 kW/kg et de 8,4 kW/L à l’échelle de la cellule. Les premiers résultats témoignent également de « performances supérieures à toutes les technologies alternatives disponibles sur le marché » en ce qui concerne la durabilité. Les briques pourront être proposées de façon autonome ou regroupées à d’autres industriels « aux marchés de la mobilité ». Le nouveau CEO, Sylvain Laurent, précise qu’il s’agit de la « mobilité professionnelle » et de la « mobilité lourde » : des secteurs où « les besoins sont là » et « les infrastructures se développent rapidement ».

Ce n’est pas une stratégie isolée. Toyota, grand pionnier de l’hydrogène, a été le premier fin 2020 à se diversifier. En raison de ventes très limitées de sa Mirai et d’une infrastructure de recharge insuffisante, le géant japonais s’est résolu à adresser d’autres marchés. C’est la raison pour laquelle le groupe a créé une entité spécifique (Toyota Fuel Cell Business Group), hébergée à son siège européen en banlieue de Bruxelles. L’objectif est de multiplier par 10 les ventes en proposant des modules qui se destinent à toutes formes de mobilité (camions, bus, trains et bateaux) et aux applications stationnaires (comme les groupes électrogènes d’EODev). Cette offre permet de capitaliser sur l’expérience de la Mirai et des bus Sora au Japon (sur ce segment Toyota collabore avec Caetano au Portugal). Elle va permettre à des industriels d’adapter des composants éprouvés à leurs propres produits et de démocratiser ainsi l’utilisation de l’hydrogène.

Même démarche chez Hyundai. Fin 2020, le constructeur coréen a créé la marque HTwo pour valoriser sa technologie de piles. Il entend la proposer à d’autres industriels pour des applications dans l’automobile (les utilitaires par exemple avec Iveco), mais aussi dans les camions (qu’il produit par ailleurs, ou pour des partenaires comme Enginius) et même les bateaux. La branche automobile n’aura pas de mal à se rapprocher de Hyundai Global Service, une division spécialisée dans les motorisations électriques pour navires (et filiale de Hyundai Heavy Industries Group). Le constructeur a également engagé des projets dans le train. On sait aussi que Hyundai souhaite se positionner par ailleurs dans le taxi volant dans le cadre de sa division Supernal. Concernant le stationnaire, Hyundai est également présent dans les groupes électrogènes, dans le cadre d’un partenariat avec H2Sys.

Honda a également pris ce tournant. Alors que le constructeur japonais s’apprête à revenir sur le marché, avec une version à hydrogène du CR-V pour l’Amérique du Nord, il ne se limitera pas à l’automobile. Honda, qui collabore avec General Motors dans le cadre d’une structure commune, a fait beaucoup de progrès. Sa dernière pile coûte un tiers de moins et dure deux fois plus longtemps que celle de la génération précédente. Honda et GM se fixent pour objectif de réduire encore de moitié ce prix et de doubler encore la durée de vie d’ici 2030. En attendant, l’industriel japonais proposera sa technologie sur d’autres segments de la mobilité. Ainsi, Honda vient de démarrer en Chine un test avec un camion de Dongfeng Motor Group. Et au Japon, un autre est prévu avec Isuzu Motors, avec qui la marque coopère pour développer un camion à hydrogène. Dans ce pays, Honda s’implique aussi au niveau de l’infrastructure, pour les camions avec Marubeni Corporation et Iwatani Corporation, et plus globalement au sein du consortium Japan H2 Mobility. Aux USA, il collabore avec Shell et FirstElement Fuel. A partir de 2025, les applications se diversifieront. En parallèle de l’automobile et du camion, Honda va investir les engins de chantier (du type pelleteuses) et proposer des piles pour des applications stationnaires. Le groupe estime qu’un besoin est à satisfaire pour alimenter en énergie les data centers. Il a déjà mené des tests à partir de la pile de la Clarity FCEV.

En concurrence frontale avec Ballard, EKPO, Symbio et bien d’autres, les constructeurs automobiles tentent de se faire une place sur le marché de la pile. On notera par ailleurs que Toyota et Hyundai considèrent également le moteur à combustion à hydrogène, qui pourrait en complément leur permettre de répondre aux besoins de décarbonation du transport.