Conçu dans le cadre du projet CATHyOPÉ, le camion à hydrogène de GreenGT a été présenté le mois dernier à Toulon. C’est un démonstrateur dont l’objectif est de prouver la pertinence de ce mode de propulsion pour la mobilité lourde.

C’était donc le grand jour, le 24 mars. Le camion a été officiellement présenté ce jour-là ?

Oui, nous avons eu l’opportunité de profiter de l’événement Meet4Hydrogen dans le Var pour montrer notre camion. Une conférence Hyport était organisée et cet environnement portuaire était idéal. Nous souhaitions non seulement dévoiler le camion, mais aussi le faire rouler pour prouver qu’il avance. Sur des pistes improvisées sur les quais de Toulon, nous avons pu montrer que nous étions passés des promesses au réel. La présentation a eu beaucoup de succès, en présence de plusieurs centaines de personnes. C’était aussi l’occasion de célébrer avec nos partenaires la fin d’un véritable marathon. Pour ne rien gâter, GreenGT avait aussi fait venir le prototype MissionH24 qui a également roulé sur les quais de Toulon.

Peut-on revenir sur la genèse du projet. Pourquoi est-ce que cela a pris autant de temps ?

Le projet CATHyOPÉ a été lancé en octobre 2017, sous les auspices de l’ADEME. Il réunit trois partenaires : GreenGT, les Transports Chabas et Carrefour. L’objectif était de concevoir, réaliser et exploiter un camion de transport de 44 t à propulsion électrique-hydrogène pour être exploité en conditions réelles dans le Sud de la France. Il a fallu un certain temps pour la conception, car à l’époque il n’y avait que peu de composants disponibles. Nous étions dans les premiers à être ambitieux dans le camion à hydrogène. Il a fallu travailler aussi sur le châssis et l’électronique de puissance. D’autres facteurs sont intervenus après, comme la crise du Covid qui a ralenti les approvisionnements et d’autre part la croissance de GreenGT qui est devenu entre-temps une ETI. Mais, à l’arrivée, cela fait plaisir d’avoir raison, car le camion à hydrogène est un des meilleurs leviers de décarbonation du transport routier, comme cela est écrit dans le livre blanc de France Hydrogène. Et ce type de propulsion a toute sa pertinence pour la mobilité lourde.

Quelles sont les caractéristiques du camion CATHyOPÉ ?

C’est un porteur unique en son genre car il pèse 26 tonnes. Peu de camions atteignent un tel niveau de performance à l’hydrogène et il est prévu pour tracter une remorque de 18 tonnes, ce qui porte le total à 44 tonnes. L’autre caractéristique, c’est que le camion comporte une partie réfrigération, qui a été demandée spécifiquement par Carrefour pour livrer du frais. Ce n’est pas sans impact sur l’autonomie. Sinon, ce poids-lourd embarque une pile à combustible 170 kw, une batterie d’une puissance maximale de 250 kW et deux moteurs électriques développant l’équivalent de 530 ch. L’hydrogène est stocké dans 12 réservoirs à une pression de 350 bars pour un poids total de 46 kg. A noter que le plein se fait en seulement 15 mn. Nous estimons que l’autonomie est de 480 km. Nous aurons un chiffre plus précis quand le poids-lourd fera sa tournée. La météo, le trafic et le type de conduite du chauffeur, sans oublier la consommation des équipements auxiliaires peuvent faire varier le rayon d’action.

Quel type de parcours est amené à faire ce camion ?

Il va rouler sur une boucle de distribution qui est la plus sévère de Carrefour. Elle part de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), puis passe par Fos-sur-mer – où a été aménagée une station de grande capacité par Air Liquide – avant de rallier le Var, puis Antibes dans les Alpes-Maritimes. C’est très bien ainsi, car nous ne voulions pas d’une démonstration en demi-teinte. C’est l’occasion de montrer que l’hydrogène est compatible avec des conditions d’utilisation éprouvantes. Et c’est le meilleur moyen de convaincre ceux qui doutent encore de la pertinence de la solution hydrogène. Nous allons à présent poursuivre les objectifs communs du projet, qui sont de faire plusieurs milliers de km sur route, et d’homologuer le camion. Il y aura en cours de route une évolution pour faire passer la pression de stockage de 350 à 700 bars. Avant tout, il s’agit d’un démonstrateur qui est là pour valider les performances et l’autonomie d’un poids-lourd à hydrogène. Et justement, nous aurons beaucoup de données à analyser.

Vous avez décidé de jouer la carte de la synergie avec cette région Sud. Pourquoi ?

On parle beaucoup de projets en Europe, mais celui-ci se déroule en France et en région. La présentation du camion à Toulon a été par exemple l’occasion de mettre en avant des partenaires historiques comme la CCI du Var. Et puis, il y a un écosystème local qui vise à produire de l’hydrogène à partir de panneaux solaires et de l’utiliser dans un environnement portuaire et pour alimenter le transport. Pour l’alimentation du camion, nous avions aussi pris contact avec Air Liquide de façon à pouvoir utiliser leur future station, qui permettra de faire le plein de bus et de camions.

Comment voyez-vous la suite ?

GreenGT n’est pas un constructeur de camions et ne souhaite pas l’être. Nous sommes comme dans le sport automobile des pionniers, qui réalisons des prototypes. Notre rôle est plutôt d’accompagner la filière. Il y a chez nous une vraie volonté d’agir sur l’écosystème, et de faire part de notre retour d’expérience. Ce savoir-faire, qui concerne aussi bien l’architecture que l’assistance à l’homologation, peut intéresser des constructeurs, des sous-traitants et de nouveaux entrants. GreenGT est avant tout un bureau ingénierie. Pour autant, nous sommes ouverts à des partenariats et c’est la raison pour laquelle nous travaillons avec Hyliko qui propose en location des camions avec la production et la distribution d’un hydrogène décarboné. L’arrivée de la concurrence est plus une chance qu’une menace car la demande est aujourd’hui supérieure à l’offre.