Alors que l’industriel de Haute-Saône multiplie les projets et les partenariats autour des camions à hydrogène, sa participation au Dakar avec le H2 Racing Truck a été remarquée. Cette première mondiale lui vaut une notoriété qui l’aidera à se développer à l’international.

C’était un pari et vous l’avez réussi. Vous êtes satisfait de cette première participation au Dakar avec un camion à hydrogène ?

On avait annoncé il y a peine un an qu’on voulait lancer un camion de course à hydrogène pour le Dakar. Et on a démarré véritablement le projet en mars 2021. C’est un exploit, car le Dakar est le plus dur des rallyes-raids. Or, le châssis s’est bien comporté, de même que la suspension, alors qu’il fallait gravir des rampes à 45 degrés. En fait, là où on s’est planté c’est qu’on a surdimensionné la chaîne de traction à hydrogène. Alors qu’on visait un rayon d’action de 250 km, le H2 racing truck pouvait parcourir 400 km. Engagé à titre expérimental, notre camion n’a pas fait la course complète. Il servait en fait à ouvrir des spéciales. Mais, il a fait une grande partie des 4 000 km du parcours, jusqu’au bout. Et tout a très bien fonctionné, alors qu’on s’attendait à avoir des pannes, en raison du sable fin et des changements de température en Arabie Saoudite. En fait, personne n’y croyait vraiment, car nous ne sommes pas un grand groupe. D’ailleurs, rien n’avait été prévu pour le ravitaillement et c’est nous qui avons dû assurer sur place les pleins d’hydrogène.

Le camion n’est pas passé inaperçu…

C’est le moins qu’on puisse dire. Les gens de Kamaz sont venus l’essayer et ils nous ont complimentés. Ils nous ont dit que c’était le camion du futur. C’est une belle reconnaissance pour notre savoir-faire, issu d’un transfert du CEA en 2012 et qui s’applique sur des véhicules spéciaux. Pour développer le H2 Racing Truck, nous avons utilisé des composants homologués et robustes. Le Dakar a permis de démontrer la fiabilité de l’hydrogène. A ce propos, notre pilote Philippe Jacquot – qui a disputé 8 fois le rallye et a remporté des épreuves – a été bluffé par le couple phénoménal et la vitesse de pointe de 140 km/h. Il a aussi apprécié la boîte automatique qui fait gagner du temps à l’accélération. Le vainqueur du Dakar en auto, le Qatari Nasser al-Attiyah, s’est aussi intéressé à notre technologie. Il faisait d’ailleurs sur le rallye le signe 0 avec ses doigts, comme pour zéro émission et zéro bruit. Notre sponsor, Aramco, a aussi assuré un relai média qui nous vaut désormais une belle notoriété.

H2 Racing truck

Que retenez-vous de ce Dakar ?

Il est clair que l’hydrogène est la solution pour un camion de course. Sur un camion de 8,5 tonnes nous n’embarquons que 80 kg d’hydrogène, alors que les concurrents classiques transportent de 600 à 800 kg de carburant. On réduit le poids d’un facteur 10. Nous avons aussi montré que l’hydrogène peut réduire le bruit et les nuisances environnementales en bivouac, avec un groupe électrogène. Notre « smart bivouac » était l’endroit le plus calme, alors que le Dakar réunit plus de 3 000 personnes dans le bruit des générateurs Diesel.

C’était aussi une aventure humaine…

Oui, complètement. En termes de team-building, la participation au Dakar a permis de bâtir un succès technologique et humain. Nous étions 42 personnes avec tous les métiers, du coach sportif aux experts en données et bien sûr dans le domaine de l’hydrogène. Au bivouac, nous avons fait de la pédagogie autour des métiers futurs.

Les locaux ont même donné un petit nom à votre camion…

Il faut savoir en effet que les bédouins ont surnommé notre camion Shérazade, en raison de son élégance et de son silence. C’est une référence à une princesse imaginaire du Conte des 1001 nuits. Cela nous a donné l’idée de faire une tournée dans 1 000 sites à travers le monde, qui seront des villes et des centres logistiques. Actuellement, le H2 Racing Truck fait le tour de l’Arabie Saoudite. Mais, il va revenir en France. On prévoit notamment de l’exposer à Marseille, en mars, dans le cadre d’un événement. Il fera le tour des terminaux portuaires et il y aura des baptêmes à bord en tant que copilote.

Quelle sera la suite désormais ?

Nous avons recueilli sur le Dakar plein de données qui vont servir à nos futurs camions. En cette année 2022, nous allons présenter nos premiers véhicules. Il y aura en France des camions pour la construction, mais nous serons aussi présents sur un salon de camions aux USA, en mai. L’objectif de Gaussin, c’est un déploiement mondial de licences, avec une priorité sur le marché de l’Amérique du Nord (USA et Canada), où nous avons des accords avec des géants du e-commerce et de la logistique. Le carnet de commandes est consistant.