Le fondateur de FlexFuel Energy Development, qui a créé en 2019 la société Gen-Hy, a choisi la technologie AEM à échange d’anions. C’est le seul en France à proposer cette offre, qui cumule les avantages de la PEM et de l’alcalin, et à moindre coût.

Comment vous situez-vous par rapport à des acteurs comme McPhy et Elogen qui vont bientôt lancer des gigafactories ?

A l’inverse des autres, nous avons fait le choix de produire des électrolyseurs au plus proche des consommateurs, en mode décentralisé sur site, de façon à créer un maillage local. Nos produits ont des stacks très compacts, avec une approche modulaire. Ainsi, au lieu de faire un stack de 2 MW par exemple, nous en proposons 40 de 50 kW, qui tiennent chacun sur la surface d’une feuille de papier A4, afin de faciliter l’intégration et la maintenance. Nous souhaitons pouvoir accompagner les clients, en fonction de leurs besoins réels. Mais surtout, nous sommes les seuls en France à proposer la technologie AEM (membrane à échange d’anions), qui apporte à la fois les avantages de la PEM et de l’alcalin. Elle permet le passage des ions, tout en restant étanche aux gaz. Il n’y a que trois acteurs en Europe et 6 dans le monde qui maîtrisent ce type d’électrolyse. C’est donc notre contribution à l’excellence de la filière française de l’hydrogène. Nous avons de plus breveté un procédé zéro gap qui permet de limiter la résistance à l’eau et d’améliorer le rendement, qui est de 85 %. Notre membrane est brevetée mondialement et a fait l’objet en amont de 5 ans de R&D.

Comment en êtes-vous arrivé à ce procédé ?

Dans le cadre de mon autre société, Flexfuel Energy Development, nous avons travaillé entre 2007 et 2014 sur la technologie alcaline. Nous avons obtenu alors un contrat civil avec la DGA (Délégation Générale à l’Armement), qui souhaitait bénéficier d’un électrolyseur afin de produire de l’hydrogène et s’en servir pour l’injecter dans le moteur d’un navire. A l’époque, nous avons vu les contraintes, notamment au niveau des terres rares, et en particulier sur les technologies PEM, et c’est la raison pour laquelle nous avons commencé à regarder la membrane AEM. C’est ainsi qu’en 2019 a été créée la société Gen-Hy. Et deux ans plus tard, nous avons inauguré à Orly, près de Paris, notre première ligne de production de membranes AEM. Nos futurs produits auront une durée de vie de 50 000 h. Et avec 1 MW, la technologie permettra aux clients de produire jusqu’à 550 kg d’hydrogène vert en 24 heures.

Quelle va être la suite ?

Nous allons ouvrir une usine en juin 2023 en région Bourgogne-Franche-Comté. C’est un site de 8 000 m2 qui se situera dans la zone Technoland 2, entre Montbéliard et Belfort, face à Faurecia. Ce n’est pas une gigafactory. Nous pensons d’ailleurs que ce modèle n’est pas la bonne option, à court et moyen terme. Mais, cette usine permettra d’adresser des besoins dans l’industrie, la mobilité et le secteur de l’énergie. Nous avons fait le choix de cette région pour plusieurs raisons. Située aux portes de l’Allemagne et de la Suisse, elle dispose d’une main d’œuvre qualifiée, d’un réseau de sous-traitants et d’un vrai savoir-faire dans l’hydrogène. Nous avons été bien accueillis et mis en relation par exemple avec le FC Lab et les universités. C’est un ensemble global qui nous a séduits, sachant que le fonds Maugis* apporte également une aide. Le bâtiment est financé, de même que notre première ligne de production. Je précise par ailleurs que Gen-Hy a été prénotifé par la France dans le cadre de la seconde vague des IPCEI.

Pouvez-vous nous parler de votre modèle économique ?

Notre modèle n’est pas de vendre des électrolyseurs, mais de les proposer en leasing avec des services. C’est un plus en matière de capex. Dans le cadre d’un partenariat avec Eiffage Energie Systèmes, nous pouvons par exemple proposer un champ photovoltaïque directement connecté à un électrolyseur. L’exploitant d’une station-service qui voudrait bénéficier de 200 kg par jour d’hydrogène vert pourrait ainsi éviter le transport et les contraintes de stockage. Et si on prend l’exemple d’un logisticien, notre modèle permet par exemple d’installer sur le toit de l’entrepôt des panneaux solaires et de l’aider à devenir un producteur d’hydrogène vert. Nous pourrions en faire autant avec de l’éolien et de l’électricité renouvelable.

Vous voulez concurrencer Lhyfe ?

Non, car Lhyfe est un exploitant d’hydrogène vert. Ce que nous voulons c’est pouvoir équiper directement les industriels avec des électrolyseurs sur site. On peut apporter une vraie plus-value.

Et comment réagit le marché ?

Notre ambition se situe à l’échelle du monde. Nous commençons à fournir des devis à des clients potentiels, situés loin géographiquement. Notre solution peut prendre la forme de containers.

Quelle sera l’actualité de Gen-Hy dans les prochains mois ?

Nous souhaitons faire une levée de fonds de 15 millions d’euros pour financer le reste de notre outil industriel. Les partenaires potentiels sont les bienvenus. Sinon, nous allons recruter. Le site en pays de Montbéliard va créer 120 emplois d’ici trois ans. Nous avons besoin d’opérateurs, à la fois pour travailler en labo et sur les machines. Il nous faut également des techniciens, des commerciaux et du personnel administratif.

*Doté de 50 millions d’euros, suite à une amende infligée à General Electric pour ne pas avoir créé 1 000 emplois, comme promis, après le rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015