Grâce à son procédé breveté qui permet de produire de l’hydrogène renouvelable à partir de biomasse, avec des coûts bien inférieurs à ceux de l’électrolyse, la PME, co-fondée par Marc et Philippe Haffner, intéresse de plus en plus de monde. A tel point que la société prépare son déploiement international.

AVANT DE REVENIR SUR LES ANNONCES FAITES DANS LE CADRE D’HYVOLUTION, PEUT-ON DÉJÀ FAIRE UN POINT SUR LE PREMIER DÉPLOIEMENT DE VOTRE TECHNOLOGIE À STRASBOURG AVEC G-RDS ?

Nous avons installé à Strasbourg un système qui permet d’obtenir un gaz de synthèse que l’on peut transformer ensuite en hydrogène. La capacité de la première tranche est de 260 kg d’hydrogène par jour. Pour le moment, nous ne produisons que de l’hypergaz (syngaz riche). Nous n’avons pas encore la station de distribution d’hydrogène que doit livrer McPhy, ni les véhicules qui pourront l’utiliser. Néanmoins, nous sommes prêts. L’hydrogène que nous produirons servira pour des besoins liés à la mobilité, mais aussi pour des applications de chauffage urbain ou dans des usines. Il faut bien comprendre que notre procédé Hynoca (Hydrogen no carbon) permet d’utiliser une énergie renouvelable et en quantité abondante, qui est la biomasse. Celle-ci est environ 4 fois moins chère que l’électricité qui sert à l’électrolyse, pour des rendements équivalents. De plus, la biomasse que nous exploitons produit du biochar, un co-produit qui est qualifié pour le crédit carbone. Nous arrivons à environ 15 kg de CO2 négatif par kilo d’hydrogène produit, tout en redonnant à la nature un produit qui est un très bon fertilisant pour l’agriculture. C’est notamment pour ces raisons que nous avons de très nombreux projets aujourd’hui.

PARMI LES ANNONCES DE FIN OCTOBRE, IL Y A AUSSI CELLE DE KOUROS QUI VA TRAVAILLER AVEC VOUS.

Kouros est un fonds d’investissement qui est par ailleurs un actionnaire minoritaire chez Haffner Energy. Cet acteur a misé sur des sociétés innovantes et a une bonne connaissance du marché. Il est arrivé à la conclusion qu’il pouvait proposer une offre complète de mobilité. C’est le cas avec la société Hyliko, qui propose à la fois de la production d’hydrogène renouvelable et la fourniture de camions à hydrogène, avec tous les services qui vont avec. Notre rôle est de fournir des installations qui permettent de produire de l’hydrogène à partir de biomasse. C’est une belle vitrine pour le procédé Hynoca. Avec sa nouvelle société, Kouros va faire ce que Nikola Motors avait promis aux Etats-Unis, à savoir combiner l’offre mobilité avec des points de recharge ; en estimant que notre technologie était la plus pertinente pour se développer.

VOUS AVEZ PAR AILLEURS LANCÉ UNE SOCIÉTÉ COMMUNE AVEC DES PARTENAIRES POUR LE DÉPLOIEMENT DE 2 STATIONS DE 720 KILOS PAR JOUR D’HYDROGÈNE…

Haffner Energy a en effet notamment signé un accord avec Les Etablissements Roussel (qui maîtrise l’approvisionnement en biomasse) et le groupe Thévenin & Ducrot, qui détient l’enseigne Avia. Il s’agit  de lancer le premier écosystème « du puits à la roue », depuis la collecte locale de biomasses (issues de l’exploitation agricole, forestière et viticole) jusqu’à la distribution en stations. Le projet sera porté par la société commune SAS Pôle Bourbonnais, située à Montmarault (Allier), où les Ets Roussel ont une plateforme de collecte. A ce jour, deux premiers projets sont en cours. Le premier se situe dans l’Allier, avec un site de production d’une capacité de 720 kg d’hydrogène vert par jour (250 tonnes par an), ainsi que le déploiement d’une station de distribution d’hydrogène sur l’autoroute sous la marque Avia pour véhicules lourds (bus et bennes à ordures) et légers. Un projet similaire verra le jour à Chambœuf (Côte d’Or), près de Dijon. Nous avons beaucoup d’autres projets de ce type, à la fois en France et à l’étranger.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS UN TEL SUCCÈS ?

Nous avons à ce jour une centaine de prospects. Les clients viennent à nous pour le moment, par le bouche-à-oreille. Haffner Energy n’est pas en concurrence frontale avec les électrolyseurs, qui ont leur utilité. Le fait est que nos coûts de revient sont quasiment alignés sur le reformage du gaz naturel, bien en-dessous de 5 euros le kilo, et avec un hydrogène renouvelable. La plus forte demande provient du monde industriel, où les besoins sont très importants pour la désulfurisation, ou encore la production d’ammoniac et de méthanol. Avec des équipements qui tournent plus de 8000 heures par an, on peut produire massivement de façon compétitive et décentralisée, on aide les industriels à se rapprocher du net zéro grâce aux émissions CO2 fortement négatives. Le modèle d’Haffner Energy pourrait répondre à 90 % des besoins de l’industrie d’ici 2030.

ET IL N’Y A PAS DE RISQUE DE TENSION SUR LA MATIÈRE PREMIÈRE QUI SERT À PRODUIRE TOUT CET HYDROGÈNE ?

La disponibilité en biomasse n’est pas du tout un sujet d’ici 2030, tant en France qu’à l’étranger. En dehors du bois, dont les quantités sont largement suffisantes, nous pouvons exploiter des substrats agricoles comme le lisier, ou encore les résidus de betterave, de maïs et de pailles, mais aussi les déchets verts.

AVEC TOUS CES PROJETS, LA TAILLE DE L’ENTREPRISE VA ÉVOLUER…

Nous sommes près de 25 à ce jour, essentiellement des ingénieurs. Jusqu’à présent, Haffner Energy s’est beaucoup appuyé sur des partenariats, avec des écoles d’ingénieur et des laboratoires. Mais, nous allons devenir une grosse entreprise rapidement. Un plan de développement massif est prévu pour le déploiement industriel et commercial d’Hynoca. Et nous prévoyons également d’ouvrir des filiales à l’étranger. La société est d’ailleurs en train de préparer une levée de fonds majeure.