valérie-bouillon delporte
Vous avez certainement constaté ces derniers temps une certaine méfiance qui s’exprime dans la presse notamment sur la capacité de l’écosystème hydrogène à se développer et à tenir ses engagements et qui se questionnent sur les échéances à tenir. Mais avons-nous le luxe d’attendre ? Certes le consensus est général sur la nécessité d’une transformation énergétique et d’une mobilisation à l’échelle mondiale pour réussir à freiner les conséquences du changement climatique auxquels nous faisons face mais il semble bon de rappeler une fois encore que sans hydrogène pas de transition énergétique possible.

L’hydrogène joue un rôle crucial dans la transition énergétique et industrielle de l’Europe, en tant que vecteur de décarbonation et de souveraineté énergétique. Dans mon role de Directrice Exécutive du Clean Hydrogen Partnership, j’ai la profonde conviction que l’Europe peut construire une chaîne de valeur hydrogène compétitive pour décarboner de nombreux secteurs et pour assurer son autonomie technologique et industrielle. 

Pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur des atouts uniques : un réseau de recherche avancé, des politiques publiques ambitieuses et une infrastructure industrielle solide. Le soutien à la recherche et à l’innovation, est d’ailleurs essentiel entre autres pour stimuler la production d’hydrogène propre et pour réduire les coûts de cette technologie, encore élevés aujourd’hui.

Le Clean Hydrogen Partnership – partenariat public-privé entre l’industrie, la recherche et la Commission Européenne -est un acteur clé dans ce processus, en favorisant la recherche, l’innovation et la coopération industrielle pour accélérer l’adoption de l’hydrogène propre à l’échelle européenne. 

Son objectif est très clair : accélérer, faire progresser et développer les technologies de l’hydrogène pour financer des activités d’innovation, de recherche et de développement technologique sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène.

Avec un financement de 1,63 milliard d’euros (depuis 2008) et un portefeuille comprenant à ce jour 373 projets couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène, le Clean Hydrogen Partnership (précédemment FCH JU) a joué un rôle déterminant dans l’avancement de tous les domaines de la R&D, l’incubation, la stimulation de l’innovation de nouvelles technologies, et l’amélioration des technologies existantes .

Tout début novembre, nous avons publié une étude sur la chaîne de valeur et l’industrialisation des technologies de l’hydrogène qui explore les principaux défis et opportunités liés au développement de l’hydrogène en Europe. A travers cette étude, nous souhaitions identifier comment favoriser un écosystème de l’hydrogène robuste et durable dans l’ensemble de l’Union européenne, en s’alignant sur ses objectifs climatiques et économiques. Timing parfait me direz-vous, au moment où le rapport Draghi a été publié et où la nouvelle Commission affirme son ambition d’une Europe forte de ses industries avec notamment le Clean Industrial deal.

Une conclusion s’impose : pour que l’hydrogène devienne un élément central du système énergétique européen, des investissements importants sont nécessaires tout au long de la chaîne de valeur : de la R&D et des infrastructures, au développement des marchés et à l’industrialisation. Le rôle du Clean Hydrogen Partnership est d’aider à réduire les risques liés à ces investissements, à stimuler le progrès technologique et à favoriser la collaboration entre les secteurs public et privé. L’étude démontre qu’avec les bons cadres politiques et les bonnes stratégies industrielles, l’hydrogène peut aider l’Europe à décarboner son économie, à créer de nouveaux emplois et à maintenir son leadership technologique sur un marché mondial en évolution rapide.

L’hydrogène n’est pas seulement une question de recherche, d’innovation et de développement de technologies de l’hydrogène.  Il faut également s’attaquer aux obstacles non technologiques, tels que l’accès à une main-d’œuvre possédant les compétences nécessaires. C’est un sujet d’une importance capitale dans le cadre de cette ambition industrielle : la chaîne de valeur de l’hydrogène devrait employer en Europe plus d’un million de personnes d’ici 2030 et cinq fois plus d’ici 2050. Le secteur a besoin de se perfectionner, de se recycler, d’éduquer. C’est dans cet esprit que nous avons financé le projet d’une « académie de l’hydrogène » et je constate également que ce sujet est pris à bras le corps par France Hydrogène depuis de nombreuses années avec notamment l’identification des métiers sous tension dans cette filière.

Enfin, collaboration et coopération sont deux maitres mots qui s’expriment également pleinement dans le concept des vallées hydrogene (ou hydrogen valleys). Ces projets ambitieux représentent en effet un potentiel majeur pour l’Europe en tant que catalyseur de la transition énergétique. Les vallées hydrogène créent des synergies industrielles et favorisent la collaboration entre différents secteurs, ce qui est essentiel pour construire une chaîne de valeur de l’hydrogène compétitive. Ces clusters géographiques dédiés à la production, et à l’utilisation de l’hydrogène dans divers domaines, peuvent véritablement être un game changer pour l’Europe. Elles combinent plusieurs éléments clés : innovation technologique, infrastructures partagées, synergies industrielles, et intégration territoriale de l’hydrogène dans l’économie locale. Elles permettent de tester, de valider et de démontrer à grande échelle les technologies liées à l’hydrogène dans un environnement réel depuis sa production jusqu’à son utilisation.

Au sein du Clean Hydrogen Partnership, nous avons financé 16 vallées dans 15 pays différents (dont 2 vallées en France : ImagHyne en Auvergne Rhone Alpes et AdvancedH2Valley dans les Pays de la Loire) pour un coût total d’investissement de 1 milliard d’euros et près de 200 millions d’euros de subventions du Clean Hydrogen Partnership. 6 nouvelles vallées vont venir s’ajouter avec l’appel à projets de cette année. Et nous continuerons le financement de vallées hydrogène les années suivantes.

Le Clean Hydrogen Partnership joue un rôle essentiel dans la constitution d’une filière hydrogène solide en Europe. En soutenant la recherche, l’innovation, la mise en œuvre de démonstrateurs industriels, et la construction d’infrastructures d’hydrogène, nous créons une chaîne de valeur intégrée et compétitive qui soutient la transition énergétique de l’UE. Grâce à ses initiatives de financement, à sa capacité à mobiliser les secteurs publics et privés, et à sa portée internationale, ce partenariat unique aide l’Europe à se positionner comme un leader mondial dans le domaine de l’hydrogène décarboné. Le chemin est encore long et il est impératif qu’acteurs public et privés à l’échelle européenne mais aussi nationale et régionale continuent de se mobiliser y compris sur des mécanismes de financements combinés. Chaque contribution, chaque pas en avant, chaque petite ou grande victoire permettra de construire et de rendre plus robuste cette filière hydrogène dont l’Europe a tant besoin.

Valérie Bouillon-Delporte, Directrice exécutive du Clean Hydrogen Partnership