Le salon BusWorld, qui a eu lieu du 7 au 12 octobre, à Bruxelles, a été l’occasion de découvrir de nouveaux modèles à la fois dans le bus et l’autocar. Et c’est dans ce contexte que France Hydrogène et l’Avere-France ont publié une étude sur l’autocar zéro émission.

Hormis quelques versions roulant au Diesel Bleu (HVO) ou au gaz naturel, la quasi-totalité des bus exposés à Brussels Expo étaient zéro émission avec une complémentarité entre l’électrique à batterie et l’hydrogène. Symbio et Plastic Omnium exposaient sur le salon : le premier présentait sa pile (en versions StackPack 75 et 150 kW), le second, l’ensemble de ses solutions (pile avec EKPO et les réservoirs d’hydrogène). Dans les allées, on pouvait aussi voir Bosch, ainsi que Cummins. Mais, le seul à parler de moteur à hydrogène dans un salon très orienté sur la pile était Daf, expliquant son approche globale allant du Diesel bio à l’hydrogène (avec sur ce thème, une double approche pile et moteur hydrogène). 

Les acteurs classiques étaient au rendez-vous comme le français Safra (avec le Hycity), le polonais Solaris (qui revendique un carnet de commande de 600 bus Urbino 18 Hydrogen, 140 étant déjà en circulation), ou encore le portugais Caetano. On remarquait également la présence d’Iveco. Le fabricant italien a collaboré avec Hyundai pour présenter l’EWay-H2 : un bus de 12 m et à l’autonomie de 450 km. Parmi les acteurs du bus, Mercedes exposait le Citaro Fuel Cell. Etonnamment, le néerlandais Van Hool ne montrait pas de bus à hydrogène. Chez les autres fabricants, on relevait la présence chez le turc Otokar du Kent C Hydrogen : un bus de 12 m qui peut transporter 82 passagers et embarque 38 kg d’hydrogène dans 5 réservoirs. Son compatriote Karsan présentait pour sa part le e-Ata Hydrogen, qui vient en complément de la gamme électrique avec sa pile de 70 kW. Dans les nouveaux venus, on peut citer la start-up allemande Arthur Bus, dont le bus Arthur H2 Zero, long de 12m, revendique 450 km d’autonomie grâce à une pile à combustible particulièrement économe qui consommerait moins de 6 kg d’hydrogène/100 km.  

Plus surprenant, le slovaque Rosero présentait un minibus à hydrogène. Basé sur un châssis Iveco Daily, il embarque une pile de 45 kW et revendique une consommation de 3,3 kg d’hydrogène pour 100 km. Réalisé dans son pays d’origine, il embarque 2 X 4,6 kg à une pression de 350 bars et 6 X 0,83 kg à une pression de seulement 25 bars.   

Des défis à relever face à l’électrique 

Si l’on écoute Symbio, l’hydrogène a tout pour plaire. Alexandre Papillon a expliqué que le plein ne prend que 15 mn, soit à peine plus que pour du gasoil, et bien moins surtout que pour refaire le plein d’une batterie (120 à 240 mn). Par ailleurs, l’autonomie est supérieure (350 à 500 km), tout en permettant aux bus d’emporter plus de passagers. Cet expert a également pointé le fait que l’hydrogène se montre plus résilient face aux aléas du climat, en conservant par exemple l’autonomie par grand froid (contrairement à la batterie).  

De plus, l’infrastructure est plus facile à mettre en place au dépôt. Symbio a mis en avant son expérience (6 millions de km parcours, des applications dans le bus avec Safra et sur d’autres modes de transport). Toutefois, ces véhicules sont encore très minoritaires par rapport aux bus électriques que l’on pouvait voir absolument partout à BusWorld. Un opérateur de transport public français a confié qu’il poussait plus l’électrique, car la technologie est mature et surtout moins chère. C’est d’ailleurs un point que personne ne remet en cause. Dans son intervention lors de la conférence ZEB (Zero Emission Bus), en parallèle du salon, Vanessa Roderer de la société Sphera, l’a bien mis en évidence. Le bus à hydrogène coûte plus cher à l’achat et n’est pas encore compétitif en raison du prix élevé de l’hydrogène. Le match n’est pas perdu pour autant, car il y a des cas d’usage où l’hydrogène se montre plus pertinent (topographie de la ville, longueur des lignes).  

Pour sa part, Symbio fait valoir que la technologie de la pile à combustible va arriver à parité avec la batterie d’ici 2030. Pour réduire l’écart, les industriels ont besoin de soutien. Cela passe bien sûr par les opérateurs de transport. Ainsi, le représentant de CaetanoBus, Nuno Lago de Carvalho, a envoyé un signal en demandant un engagement sur les volumes. C’est aussi le discours de Hycap, un fonds d’investissement britannique spécialisé dans la décarbonation, en particulier l’hydrogène. D’autres modèles peuvent également être mis en place. Ainsi, la municipalité de Konin, en Pologne, loue son bus à hydrogène (qui est le seul à rouler dans le pays). Une solution clé en main avec le bus, la maintenance et le carburant pourrait être une solution. C’est ce que proposent les acteurs dans le camion à hydrogène. Heureusement, des subventions existent pour aider au déploiement. Elles sont accordées au niveau européen et parfois au niveau national ou local. En Californie, il y a par exemple le dispositif HVIP qui constitue un puissant levier. 

Pour en revenir à l’électrique, il y a une réalité : c’est moins cher sur le marché quand ça vient de Chine. Comme dans l’automobile, les industriels chinois font des volumes importants (grâce à leur énorme marché intérieur) et arrivent à réduire les coûts. C’est peut-être ce qui va arriver aussi dans l’hydrogène. La conférence ZEB a été l’occasion d’écouter Audrey Ma de Refire, acteur qui a contribué à déployer près de 1 200 bus qui ont parcouru 114 millions de km. La technologie a été amorcée à l’occasion des JO de 2008 à Pékin. Refire collabore avec les industriels, à qui il livre des piles à combustible. Par ailleurs, la société produit des électrolyseurs et même des générateurs qui peuvent servir à alimenter des bus électriques quand il n’y a pas de raccordement au réseau. 

Les premiers autocars hydrogène arrivent 

A BusWorld, la surprise est venue des premiers autocars à hydrogène. On ne parle pas de rétrofit, mais d’une intégration en vue d’une sorte en usine. Ainsi, Irizar a présenté l’i6S Efficient Hydrogen. Dans sa communication, le fabricant espagnol indique qu’il s’agit du « premier autocar H2 zéro émission en Europe ». Il a été développé en collaboration avec des partenaires qui ne sont pas nommés. Il revendique une autonomie allant jusqu’à 1000 km et un temps de remplissage d’environ 20 minutes. En outre, il a la capacité de fonctionner en mode 100 % électrique à des moments précis, si nécessaire. La future gamme de véhicules à hydrogène, qui comprend actuellement les modèles Irizar i6S Efficient et Irizar i4, présentera des améliorations substantielles par rapport à la première version présentée à Busworld, notamment une plus grande capacité de coffre et de passagers, une plus grande autonomie et un poids inférieur. 

De son côté, Caetano investit à son tour l’autocar à hydrogène. Il a collaboré avec le fabricant turc Temsa sur un véhicule qui sera lancé en 2024. Grâce à la pile de Toyota, utilisée comme un range extender, l’autonomie est aussi de 1 000 km. Il est à noter que cet autocar électrique-hydrogène peut être ravitaillé à une pression de 350 ou 700 bars.  

Une étude pour préparer la décarbonation de ce secteur 

Au même moment, l’Avere-France et France Hydrogène ont annoncé une publication commune. Les deux associations ont mené ensemble une étude sur les autocars électriques et à hydrogène. Sur un parc de 66 000 autocars, seule une petite centaine d’exemplaires zéro émission sont en circulation dans l’hexagone. Le défi est donc immense. Le premier élément à retenir dans ce document est que les choses vont plus vite dans le bus. On dénombre 1 500 autobus zéro émission en France, qu’ils soient électriques ou hydrogène. Il s’avère que la règlementation environnementale sur le segment de l’autocar est peu contraignante, ce qui explique, en partie, que la quasi-totalité des autocars fonctionne toujours aujourd’hui avec une motorisation diesel. On a vu apparaître à partir de 2017 des premiers autocars électriques dans plusieurs territoires français (et en provenance de Chine). Leur autonomie est passée de 250 à 400 km pour les modèles les plus récents. La bonne nouvelle est que, dès 2024, les premiers autocars à hydrogène seront mis sur la route avec une autonomie pouvant atteindre jusqu’à 1000 km. En parallèle, fin 2023 – début 2024, les autocars rétrofités qui seront déployés affichent des autonomies de 300 à 500 km, pour des temps d’avitaillement de 10 à 15 minutes. La balle est dans le camp des régions. Selon l’étude, environ 36 000 autocars parcourant moins de 200 km/jour pourraient passer à l’électrique à batterie, alors que 15 000 parcourant plus de 250 km/jour pourraient adopter l’hydrogène. La solution technique est en balance pour 15 000 de plus qui nécessitent une analyse plus approfondie. 

Un soutien nécessaire 

L’Avere-France et France Hydrogène font plusieurs propositions. Les deux associations préconisent d’intégrer l’autocar dans la décarbonation des transports (avec une feuille de route), de donner de la visibilité aux constructeurs par la demande, de soutenir les achats via la taxe TIRUERT (taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport), d’accompagner les exploitants lors du renouvellement de leur flotte et enfin de planifier l’infrastructure de recharge.