Vallourec vient d’annoncer une avancée majeure : sa solution de stockage d’hydrogène, Delphy, a obtenu la certification technique de DNV. Ce système modulaire, conçu pour une implantation souterraine, permet de conserver jusqu’à 100 tonnes d’hydrogène comprimé tout en réduisant au maximum l’emprise au sol. Dans cet entretien, Vincent Designolle, Directeur de la solution Delphy, présente les atouts de cette technologie innovante, revient sur le processus de qualification mené avec DNV, et expose les perspectives de déploiement de Delphy en France comme à l’international.

Delphy vient d’obtenir sa qualification technique, une première mondiale. Pouvez-vous nous présenter les spécificités de cette solution de stockage ? Et quel processus a été adopté pour obtenir la Déclaration de Technologie Qualifiée de DNV ?

Vincent Designolle : Vallourec a conçu et développé la solution Delphy, un système modulaire qui permet de stocker verticalement, de 1 à 100 tonnes d’hydrogène comprimé. Notre système innovant s’appuie sur de longs réservoirs installés dans une cavité souterraine dédiée, dans lesquels l’hydrogène est stocké à des pressions allant de 200 à 500 bar. L’objectif de cette solution est de répondre aux défis liés à l’intermittence de la production d’hydrogène vert, en assurant un stockage tampon pour compenser les variations de la production. Elle permet également de faire face aux contraintes foncières et réglementaires rencontrées par les développeurs de projets d’hydrogène et de ses dérivés. Verticale et souterraine, la solution Delphy permet d’optimiser la sécurité et de minimiser l’emprise au sol.

La sécurité a vraiment été priorité dans nos travaux de développement. C’est pourquoi, dès le lancement du projet, nous avons choisi de nous inscrire dans un programme de qualification technologique, avec l’appui d’experts reconnus, et avons choisi de suivre la méthodologie RP A-203 de DNV. Nous avons ainsi passé en revue les inconnues, les risques et les modes de défaillance, pour concevoir puis déployer un plan de test et de validation, dont les résultats ont ensuite été expertisés par DNV. 

Un des aspects majeurs de ce programme a été la construction en 2023 d’un démonstrateur sur notre site historique d’Aulnoye-Aymeries (59), où se trouvent le centre mondial de R&D, ainsi que deux usines du Groupe. Nous avons ainsi pu tester et valider toutes les étapes de la conception, de la construction et de l’exploitation de notre système, nous conférant ainsi l’expérience et les connaissances nécessaires pour offrir à nos futurs clients une solution éprouvée. 

Ces infrastructures de stockage d’hydrogène sont un véritable enjeu pour la flexibilité du réseau électrique. Dans ce contexte, et au regard de la récente publication de la Stratégie Nationale Hydrogène révisée, qu’est-ce que cette qualification signifie pour vous ?

V.D. : De manière générale, les utilisateurs d’hydrogène ont besoin de sécurité d’approvisionnement, afin d’assurer une grande stabilité aux procédés industriels sur lesquels ils s’appuient. Le stockage est donc indispensable pour pallier les intermittences de la production par électrolyse, qu’elles soient directes, en raison de la disponibilité d’électricité renouvelable, ou indirectes, à travers les prix de l’électricité.

La Stratégie Nationale Hydrogène confirme ce besoin de flexibilité de l’électrolyse, en la concevant comme un outil de flexibilité du réseau électrique et en encourageant par exemple les producteurs à s’inscrire dans des mécanismes d’effacement. Cet impératif vient confirmer la nécessité d’un stockage au plus près des sites de production et d’utilisation d’hydrogène bas carbone, et dans des proportions très significatives. A titre d’illustration, quelques heures de production d’un électrolyseur de 100 ou 200 MW représentent des volumes de stockage se comptant en dizaines de tonnes. Le développement d’infrastructures de transport, connectées à des stockages souterrains, est envisagé à long terme, mais cela prendra du temps et ne concernera pas tous les sites. Avec Delphy, nous apportons une solution clé-en-main adaptée au stockage « sur site », à proximité des lieux de production et de consommation.

Alors que l’industrie a un besoin croissant de passer à l’échelle et de développer l’ensemble de la chaîne de valeur, nous apportons un maillon manquant (et longtemps absent des discussions), avec une solution unique au monde ; à cet égard, la validation par DNV, est une étape importante pour donner à nos clients toute confiance sur la maturité et la sécurité de notre technologie. 

Vous évoquez déjà des projets concrets et des accords avec H2V et NextChem Tech. Quelles sont les prochaines étapes pour accélérer le déploiement de Delphy en France et à l’international ? Et quelles sont vos ambitions ?

V.D. : La qualification Delphy nous permet désormais de lancer sa commercialisation et de nous engager sur des projets industriels. La prochaine étape est donc de déployer Delphy auprès de nos clients, pour des applications aussi variées que la décarbonation des raffineries, la production d’ammoniac vert ou de carburants de synthèse, voire pour des stations hydrogène (HRS) de grande capacité. La France et l’Europe seront des marchés clés pour Vallourec, mais notre ambition est mondiale, au gré de l’essor de la filière. 

Comme vous l’indiquez, nous avons déjà annoncé 2 protocoles d’accord, avec H2V, notamment dans le cadre du projet H4 Marseille Fos, et NextChem. Nous sommes également en discussion avec les développeurs de plus d’une cinquantaine de projets dans le monde, pour lesquels nous étudions des configurations personnalisées de la solution Delphy. Même si le calendrier des premières commandes sera lié à celui des décisions finales d’investissement (FID) de ces projets, nous avons une totale confiance en la capacité de Delphy à créer de la valeur pour nos clients et à accompagner l’essor de la filière.

Cette solution fait partie intégrante de la stratégie de Vallourec de soutenir la transition énergétique. Le groupe a d’ailleurs annoncé que les solutions pour les industries bas carbone, à commencer par le stockage d’hydrogène, devraient représenter au moins 10% de son résultat brut d’exploitation, d’ici à 2030.

A nous de saisir les opportunités et de poursuivre, en lien avec l’ensemble de la filière hydrogène, la feuille de route ambitieuse qui nous a permis de développer et de valider très rapidement une solution innovante « made in France ».