Alors que des stations à grande capacité vont ouvrir à Paris et Lyon, et que H2 Mobility relance l’investissement dans son réseau Outre-Rhin, la France et l’Allemagne soutiennent un déploiement ambitieux en Europe en essayant de peser sur la directive AFIR.

Elle doit ouvrir au printemps, mais elle a réuni du beau monde le 17 mars dernier. La nouvelle station d’Hysetco* à la porte de Saint-Cloud, dans l’ouest parisien, a reçu la visite de France Hydrogène, la PFA (Plateforme de la Filière Automobile & Mobilités), Air Liquide, Toyota Motor Europe, BMW Group, Hyundai, Stellantis et HYVIA. On a même pu y voir plusieurs véhicules (Toyota Mirai de seconde génération, Hyundai Nexo, Renault Master H2-Tech, Citroën e-Jumpy Hydrogen et même la BMW ix5 Hydrogen qui n’est pas encore commercialisée). Parmi les invités, on notait la présence du coordonnateur national pour l’hydrogène, Hoang Bui, et des représentants du ministère de la Transition Ecologique.

C’est vrai que la nouvelle station parisienne sera la plus grande d’Europe en termes de capacité, selon Hysetco. Elle pourra produire jusqu’à une tonne d’hydrogène par jour (contre 250 kg pour l’autre station à Paris située porte de la Chapelle et celle de l’aéroport de Roissy, la station d’Orly étant limitée à 150 kg). Elle pourra faire environ 400 pleins de voiture par jour. L’hydrogène y sera produit via un électrolyseur, installé sur place et alimenté par l’électricité du réseau, d’où son caractère bas-carbone. Un autre site au Bourget devrait ouvrir en fin d’année. Et ce n’est que le début pour accompagner la croissance des taxis Hype (170 véhicules en circulation à ce jour). Récemment, la société a remporté un appel à projets de l’ADEME pour la mise en place de 6 stations en Ile-de-France, en lien avec les JO de 2024.

*Hysetco est un opérateur de mobilité hydrogène réunissant Air Liquide, Toyota, TotalEnergies, la STEP, le fonds Kouros. Il bénéficie du soutien de l’Europe, de l’ADEME et de la région Ile-de-France.

Projet ZEV : une nouvelle station en agglo lyonnaise

Une ouverture symbolique est également prévue en région Auvergne-Rhône-Alpes. La ville de Vénissieux (Rhône) va accueillir une nouvelle station à hydrogène, dont l’ouverture est prévue en octobre. La pose de la première pierre a eu lieu le 25 mars. La future station sera implantée au coeur du siège de Serfim (un groupe spécialisé dans les travaux publics et l’environnement), qui a proposé de mettre à disposition une partie de son foncier. La cérémonie a eu lieu en présence du groupe HYmpulsion*, chargé de déployer le marché de la mobilité hydrogène lourde et légère à travers le projet ZEV (Zero Emission Valley) coordonné par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Après une première station dans l’agglomération de Chambéry en février 2020, le réseau va s’enrichir de 5 stations supplémentaires cette année. Elles seront situées à Clermont-Ferrand, Saint-Priest, Vénissieux, Grenoble et Moûtiers, permettant ainsi aux clients ayant fait le choix de la mobilité hydrogène de traverser la région sur un axe Est – Ouest et de systématiquement disposer sur leur trajet, d’une solution de recharge en hydrogène renouvelable. HYmpulsion aura la charge de la construction et de l’exploitation de 20 stations de recharge en hydrogène renouvelable et de 3 électrolyseurs d’ici fin 2024.

*Une structure commerciale créée en 2018 dont les actionnaires sont la région Auvergne-Rhône-Alpes, ENGIE, MICHELIN, le Crédit Agricole et la Banque des Territoires.

La volonté de déployer un réseau ambitieux en France et en Europe

L’événement organisé à la porte de Saint-Cloud chez Hysetco n’a pas eu lieu par hasard. Il s’inscrit dans le cadre de la création d’un axe franco-allemand soutenant le déploiement de l’hydrogène dans les infrastructures de recharge, en particulier pour les véhicules légers et les VUL. Dans un communiqué, France Hydrogène estime que la directive AFIR devrait afficher des objectifs ambitieux. Elle propose 800 stations en Europe pour 2030, ce qui est un « minimum », alors que le chiffre de 1 700 serait mieux adapté, eu égard à un potentiel de véhicules estimé à 2 millions. Idéalement, il faudrait en 2030 une station tous les 100 km, avec un minimum de 2 tonnes par jour et une pression de 700 bars. Dès 2025, il faudrait déjà avoir des stations tous les 200 km, de façon à rassurer les industriels* qui veulent se lancer en 2027 et avec des volumes. Des opérateurs de stations se préparent par ailleurs à proposer de l’hydrogène liquide, avec un point tous les 300 km. L’objectif est d’arriver à 2 stations de recharge dans chacune des 424 villes européennes concernées par les nœuds urbains du réseau global de transport pour favoriser le déploiement de la mobilité H2. France Hydrogène écrit que le secteur de l’automobile ne pourra se développer s’il n’existe pas un réseau suffisant de stations. Un message clair envoyé à l’Europe. En France, l’association estime qu’un millier de stations pourraient être déployées d’ici 2030. Elles pourraient fournir 160 000 tonnes d’hydrogène (renouvelable ou bas carbone) pour un parc estimé à 300 000 utilitaires légers, 5 000 camions, 65 bateaux et 100 trains.

*France Hydrogène rappelle que des acteurs majeurs de la mobilité ont été sélectionnés dans le cadre des IPCEI. Il s’agit notamment de Symbio, Faurecia, Plastic Omnium, Hyvia mais aussi Arkema (qui travaille sur des matériaux destinés aux réservoirs et aux piles à combustible).

L’Allemagne investit dans son réseau de stations

H2 Mobility Deutschland* annonce pour sa part une levée de fonds de 110 millions d’euros, réalisée en partie auprès de Hy24, la plateforme d’investissement exclusivement dédiée aux infrastructures d’hydrogène décarboné. La somme servira à moderniser le réseau existant et construire de nouvelles stations afin de répondre à la demande croissante pour les véhicules commerciaux et à usage intensif. Un coup d’accélérateur bienvenu. H2 Mobility, qui exploite déjà plus de 90 stations en Allemagne, prévoit d’étendre son réseau à 300 stations d’ici 2030 (dont plus de 200 seront des stations de grande capacité répondant à la demande de transport lourd et longue distance). Le fonds Hy24 investira 70 millions d’euros, tandis que le consortium déboursera 40 millions d’euros supplémentaires. Le réseau de H2 Mobility Deutschland se concentrera sur plusieurs corridors de transport à fort trafic.

Signe de l’existence d’une demande pour les véhicules à hydrogène : bon nombre des nouveaux projets de la société sont développés en collaboration avec des distributeurs, des autorités publiques et des opérateurs de flottes. En marge de cette annonce, Daimler Truck – qui est l’un des actionnaires de H2 Mobiliy – a présenté son camion à hydrogène à Berlin. Une démonstration saluée par l’élu au Parlement Européen et rapporteur de la Commission des Transports pour l’AFIR (Alternative Fuel Infrastructure Regulation). « H2 Mobility Allemagne est un projet réussi pour établir une infrastructure en hydrogène en Allemagne », a tweeté Ismail Ertug, avec une photo du camion. « L’AFIR fournit la base légale pour cela », a-t-il complété. 

*Un consortium réunissant Air Liquide, Daimler Truck, Hyundai, Linde, OMV, Shell et TotalEnergies.