Alors que se déroulaient au même moment le Salon des Maires à Paris et Solutrans à Lyon, la European Hydrogen Week à Bruxelles a drainé des représentants de l’Europe et du monde entier.

« C’est l’endroit où il faut être, the place to be » commente Valérie Bouillon-Delporte, la première Vice-Présidente de France Hydrogène. Ex-Présidente d’Hydrogen Europe, elle mesure l’évolution de ce type d’événement. Il y a seulement quelques années, la thématique de l’hydrogène aurait réuni 500 personnes sur une seule journée à Bruxelles. Cette année, on attendait 6 000 personnes pour cet événement organisé par la Commission Européenne, Hydrogen Europe et le Clean Energy Partnership. Et le succès était au rendez-vous, puisque par rapport à la première édition de 2022, il y avait deux halls d’exposition au lieu d’un seul à Brussels Expo. L’événement réunissait sur un même lieu des conférences de haut niveau*, un forum BtoB, des sessions sur les projets européens (en tout 27 sessions et plus de 200 orateurs), des side events (une présentation du projet Green Energy Park au Brésil) et une expo. La différence vient du fait que Bruxelles abrite tous les décideurs de la Commission et les parlementaires européens. Le premier jour a été par exemple l’occasion de voir une intervention de la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen.  

Des annonces sur la Banque de l’hydrogène 

Initialement prévue pour intervenir depuis Brussels Expo, Ursula von der Leyen a été retenue par une réunion à Berlin avec le chancelier Olaf Scholz et le Président Emmanuel Macron. C’est donc par l’intermédiaire d’une vidéo qu’elle s’est adressée aux participants de la conférence de haut-niveau. Elle a d’abord indiqué que l’économie de l’hydrogène est en plein essor, citant l’exemple des bus qui circulent de Riga à Barcelone, de l’infrastructure qui se construit sur le port de Rotterdam. Mme von der Leyen a également mentionné le premier vol avec un avion à hydrogène liquide dans le ciel de Slovénie. L’Europe a investi 17 milliards pour aider 80 projets dans les différents Etats. « On est à l’aube d’un monde de l’hydrogène propre », a souligné la Présidente de l’Union, qui a insisté sur la nécessité de passer à l’échelle. Après avoir mentionné le Green Deal et REPowerEU, elle a évoqué la Banque de l’hydrogène. C’est en effet dans le courant de la semaine (le 23 novembre) qu’ont été lancées les premières enchères pour financer, sur fonds de l’UE et pour un montant de 800 millions d’euros, des projets de production. Les candidats ont jusqu’au 8 février pour répondre. Et en exclusivité, Mme von der Leyen a dévoilé l’étape d’après. Au printemps 2024, a-t-elle annoncé, la Banque va lancer un second round d’enchères. Et cette fois, ce sera pour 2,2 milliards, de façon à atteindre un cumul de 3 milliards d’euros. « Nous en avions fait la promesse il y a un an, elle devient une réalité », a-t-elle poursuivi.  

Le Brésil à l’honneur cette année 

Dans son intervention, la Présidente de l’Europe a également fait référence à l’international. Elle a rappelé les partenariats signés avec l’Egypte, le Kenya, la Namibie « qui ont un potentiel immense ». Mme von der Leyen a également mentionné des discussions avec le Kazakhstan, l’Australie, Oman, avant d’évoquer le Brésil. Faisant référence au Président Lula (qui est intervenu également en vidéo), elle a indiqué que l’Union Européenne apportait son support à l’un des plus gros projets d’hydrogène renouvelable au monde, dans l’Etat de Piaui, pour un montant de 2 milliards d’euros. Parmi les autres pays, l’Afrique du Sud était également très visible. « C’était plus européen l’an dernier, là on voit une partie du monde affluer vers Bruxelles », témoigne l’expert en géopolitique Mikaa Mered de Sciences-po Paris. 

Révision de la Stratégie nationale : pas avant le premier semestre 2024 

Dans un message vidéo, diffusé lors des conférences de la European Hydrogen Week à Bruxelles, le ministre délégué à l’industrie Roland Lescure a fait un point sur la Stratégie française. S’exprimant en anglais, le ministre a rappelé les grands objectifs de la France, avec les 6,5 GW d’électrolyse d’ici 2030. Il a également mentionné les 4 milliards d’euros qui seront dédiés à la production d’hydrogène bas carbone. L’industrie reste la priorité, mais Roland Lescure a également fait allusion à la mobilité dans sa vidéo. Il a expliqué que le transport longue distance était le moyen de faire la balance entre l’électrique à batterie et l’hydrogène. Et pour cela, il sera nécessaire d’avoir une infrastructure de transport de l’hydrogène. Le ministre a fait référence à la nécessité d’un rétrofit du réseau de transport de gaz. Une solution économiquement viable. L’information à retenir est que la Stratégie nationale sur l’hydrogène, édictée en 2020, fera l’objet d’une révision au cours du premier semestre 2024. Elle était initialement attendue l’été dernier. Certains espéraient une issue en fin de cette année. Il faudra donc patienter encore quelques mois. 

Une présence visible de la France à la European Hydrogen Week 

Sur le stand de France Hydrogène, qui se situait juste à côté de l’espace de conférences de haut niveau, une carte de France permettait de témoigner du dynamisme de la filière et des nombreux projets. Le stand commun « Hydrogen in France » a permis aussi de mettre en avant quelques régions, dont la Bourgogne-Franche-Comté, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et la Normandie. Ces territoires étaient représentés lors de l’inauguration de cet espace par Nadia Pellefigue, Vice-Présidente, Enseignement supérieur, Recherche, Europe et Relations Internationales à la Région Occitanie; Eric Oternaud, Conseiller régional délégué en charge de la conversion écologique de l’économie, des emplois verts et de l’économie sociale et solidaire à la Région Bourgogne Franche-Comté ; Thierry Kovacs, Vice-président délégué à l’environnement et à l’écologie positive à la Région Auvergne-Rhône-Alpes ; et un représentant de la Région Normandie. Des acteurs issus de ces régions exposaient d’ailleurs à la Semaine européenne de l’hydrogène. C’était le cas d’Atawey, du CEA et de HRS pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, ou par exemple d’Inocel pour la région Bourgogne-Franche-Comté. 

Un mini Solutrans à Bruxelles 

Le camion était à l’honneur à l’occasion de la European Hydrogen Week. Plusieurs acteurs y exposaient des véhicules à pile à combustible ou à moteur thermique. Daimler Truck a profité de l’événement pour y présenter le prototype GenH2 qui a battu un record d’autonomie récemment. Il a en effet parcouru plus de 1 000 km avec un seul plein d’hydrogène liquide (LH2), alors qu’il était entièrement chargé d’une lourde cargaison de 40 tonnes. Le constructeur allemand qui mettait en avant cette performance sur son stand, y exposait le camion, ainsi que la pile de cellcentric. On pouvait également voir Iveco qui a débuté la production de son camion à hydrogène, en Allemagne. Ce S-Way s’inscrit dans le cadre du projet H2Haul, tout comme le camion de Daf du groupe Colruyt qui était exposé juste à côté. Ces trois modèles utilisent une pile à combustible. En revanche, CMB-Tech a choisi une autre technologie : il présentait un camion à moteur Dual Fuel. Cet acteur, qui communique sur le moteur à combustion hydrogène dans le camion et le transport maritime, avait annoncé il y a quelques mois un partenariat avec Ford. A noter qu’en dehors des constructeurs et des motoristes, la présence du camion à hydrogène était aussi suggérée à travers l’équipementier Plastic Omnium. 

Des acteurs de l’automobile présents à la Semaine de l’hydrogène 

Plusieurs constructeurs automobiles étaient aussi à Bruxelles pour la European Hydrogen Week, à tel point qu’on pouvait se croire aussi dans un mini salon de l’automobile. La présence de Toyota n’est pas très surprenante dans un événement sur le thème de l’hydrogène, et encore moins à Bruxelles. Il faut savoir en effet que le siège de TME (Toyota Motor Europe) se trouve à Zaventem, près de l’aéroport. Sur son stand, la marque japonaise exposait bien entendu une Mirai. Mais, on pouvait y voir aussi un pick-up Hilux, modèle qui fait l’objet d’une petite série en Angleterre. Juste en face, on pouvait voir également l’iX5 Hydrogen de BMW qui adopte la silhouette d’un SUV. Chez Renault, Hyvia exposait son utilitaire Master H2-TECH. L’expo était complétée par l’Automobile Club de l’Ouest, qui exposait la LMPH2G, le premier prototype du programme MissionH24. 

Au total, un bilan positif. Hydrogen Europe évoque plus de 200 exposants. Le Président de l’association, Jorgo Chatzimarkakis, se félicite des annonces qui ont ponctué la semaine et du dialogue qui a pu s’engager entre les parties prenantes. On connaît déjà les prochaines dates de la European Hydrogen Week. Ce sera du 18 au 22 novembre 2024.  

* Parmi les speakers, on peut par exemple citer les noms de Maros Sefcovic (Vice-Président en charge du Green Deal), de ministres (Roland Lescure, ministre français de l’industrie ; Tine van der Straeten, ministre belge de l’énergie ; Terje Aasland, ministre norvégien du pétrole et de l’énergie), mais aussi de dirigeants ou représentants de grandes entreprises (Engie, Enagas, Airbus, Genvia, H2Fly, Linde Engineering, John Cockerill, Nel, Thyssenkrupp Nucera).