La 9e édition des Journées Hydrogène dans les territoires a permis de faire le point sur l'ensemble des projets de déploiement en France et plus particulièrement sur les projets de la Région Normandie et de la Métropole de Rouen. Mais, elle a aussi inauguré une nouvelle forme de communication, davantage tournée vers le grand public afin de mieux faire connaître la technologie et déconstruire les idées reçues. L’acceptabilité doit être au cœur des projets de déploiement.

Du côté des professionnels, France Hydrogène a communiqué sur l’emploi. L’association a en effet réalisé une étude qui affine la compréhension des changements engendrés par le développement de la filière, en matière d’évolution des besoins en compétences des métiers industriels. Elle fait suite à la publication du référentiel des compétences-métiers de la filière hydrogène.

En tout, ce sont 65 métiers – sur les 84 identifiés initialement – qui ont été analysés et segmentés selon leurs spécificités. A l’arrivée, il s’avère que certains métiers (15) ne nécessitent aucune connaissance particulière sur l’hydrogène, d’autres (17) juste un socle de connaissances, alors qu’à l’inverse certains (33) impliquent des connaissances approfondies, notamment dans des domaines techniques ou réglementaires.

A côté de ce recueil des besoins de 24 pages, France Hydrogène a fait le choix de publier un petit vade-mecum. Et pour la première fois, il ne s’adresse pas au cercle des initiés.

Parlons hydrogène ! : un livret pour tout savoir

C’est en effet un livret qui répond à toutes les questions que l’on peut se poser sur la production, le rendement, les risques et les usages. « Parlons hydrogène : tout savoir (ou presque) sur l’hydrogène » propose de faire un tour d’horizon des questions qui posent débat, et d’aller à l’encontre des idées reçues. D’un accès aisé, cet ouvrage permet de savoir ce qu’est l’hydrogène (c’est quoi ?), à quelle échéance cela deviendra une réalité (pour quand ?), à quel endroit il sera produit (c’est où ?), avec quels acteurs (c’est qui ?) et pour quels usages (pourquoi ?). Et il n’élude aucun sujet qui fâche, comme par exemple la production supposée polluante.

Pour appuyer le propos, France Hydrogène a fait appel à des acteurs de la filière comme Philippe Haffner (Haffner Energy), Florence Lambert (Genvia), Stéphane Kaba (Alstom), Julien Roussel (GreenGT), Marie Godart-Pithon (Vicat), Olivier Dhez (HRS), ou encore Taia Kronborg (Lhyfe). Il y a aussi des intervenants extérieurs comme Thierry Breton (Commission européenne), Pascale d’Artois (AFPA) et Crescent Marault, maire d’Auxerre. Assurément, un livret utile pour éclairer le débat.

Une connaissance qui progresse

« Parlons hydrogène » était aussi le titre générique retenu pour les conférences de l’après-midi, portant sur la pédagogie et la communication autour de l’hydrogène. France Hydrogène a introduit la séquence avec un micro-trottoir afin de tester les connaissances des Français sur l’hydrogène et ses enjeux (à retrouver ici).

Teréga a pris ensuite la parole pour évoquer un sondage : « les français et l’économie hydrogène », réalisé par Harris Interactive. C’est la seconde édition de ce baromètre, la première datant de mai 2021. Le sondage a été fait en janvier dernier, quelques mois avant la campagne pour l’élection Présidentielle.

Il s’avère que 84 % des français (au lieu de 79 % dans la première livrée) ont entendu parler de l’hydrogène, un tiers seulement en ayant une vision précise. L’image est plutôt bonne pour 58 % des sondés. Autre enseignement : 87 % des personnes interrogées estiment que c’est une énergie d’avenir et propre. La part des mauvaises opinions et des craintes liées aux risques est en baisse.

Le spatial et la compétition auto : deux moyens de cibler le grand public

Il a été question également, le 5 juillet, de deux univers qui ont un fort impact auprès du public : le spatial et la compétition automobile. Responsable des programmes futurs chez ArianeGroup, Emmanuel Edeline a parlé des 40 ans d’expérience du groupe dans l’hydrogène. Sous forme liquide, il a servi en effet de carburant pour lancer des satellites à partir de la fusée Ariane. Cet expert a présenté au passage le centre d’essai de Vernon (Eure), où sont testés tous les moteurs de fusée. Il s’agit d’ailleurs du plus gros site de test en Europe avec de l’hydrogène, plusieurs tonnes étant stockées dans un espace de 115 hectares. L’épopée spatiale a permis de développer un savoir-faire, qui fait l’objet de cycles de formation. Par ailleurs, l’un des bancs de test va servir pour des applications dans l’aéronautique pour Airbus et Safran, les deux maisons mères d’ArianeGroup.

Sur terre, le Président de l’Automobile Club de l’Ouest, Pierre Fillon, a rappelé le rôle des 24 h du Mans qui est de favoriser l’innovation. Il a confié que les réflexions datent de 2015. Par la suite, un prototype a été développé avec GreenGT pour préparer une catégorie hydrogène aux 24 h en vue de 2025. A ce propos, M. Fillon a fait part de son intérêt pour l’hydrogène liquide, que maîtrise ArianeGroup, et qui serait plus adapté aux contraintes de la compétition automobile. Au-delà de la course, l’ACO a financé une première station hydrogène. Et dans 18 mois, une station plus importante à l’hydrogène vert pourra alimenter une flotte de 10 bus, ainsi que des bennes à ordures et d’autres véhicules.

emmanuel edeline et pierre fillon

La population normande sensibilisée à l’hydrogène

Localement, en Normandie, des initiatives ont été lancées pour sensibiliser l’opinion. Ainsi, dans la Manche, le SDIS 50 a pu s’équiper très tôt d’une Kangoo à l’hydrogène. Le message était on ne peut plus clair : si les pompiers utilisent ce type de véhicule, c’est qu’il n’est pas si dangereux. Pour sa part, Valérie Nouvel, Présidente du conseil départemental (on l’appelle « Madame hydrogène »), considère que dans chaque projet, un volet d’acceptabilité est primordial. Lors des journées du patrimoine, le département de la Manche met en avant à Saint-Lô sa station de ravitaillement (qui sert aussi aux pleins des semi-remorques réfrigérées H2 de Chereau) et sa flotte de véhicules à l’hydrogène. Et au moins une fois tous les 15 jours, le site reçoit une délégation pour une visite commentée.

Les phases de concertation sont également une bonne opportunité pour communiquer sur l’hydrogène. Cela a été expliqué par Aude Humbert, cheffe de projets chez H2V, qui a évoqué les échanges avec la population concernée par le projet de Port-Jérôme. 100 personnes ont été accueillies pendant les 10 semaines de concertation, avec parfois des questions très précises.

Plus récemment, le projet de rétrofit d’un autocar Diesel (initié par Transdev et la région Normandie, avec le concours de partenaires), a fait l’objet de communications. Une vidéo a par exemple été réalisée à destination du grand public sur Youtube et le véhicule a été présenté sur des salons. Mais, il a fallu aussi former les collaborateurs, avec une dizaine de séances sous forme d’ateliers. Alors que le véhicule devrait être homologué à l’automne, le service permettra à terme de parcourir en moyenne par jour 380 km entre Rouen et Evreux en mode zéro émission. Le rétrofit hydrogène permettra de prolonger la durée de vie du véhicule, sachant que le gain en CO2 est de 40 % sur l’ensemble du cycle de vie. Il a été précisé par la région que l’autocar allait pouvoir se ravitailler auprès de l’une des 9 stations du réseau EAS-HyMob.

nomad car h2

La Normandie à fond sur l’hydrogène

A l’occasion de ces Journées Hydrogène, la Région et la Métropole de Rouen ont bien entendu évoqué leur vision pour l’industrie et la mobilité lourde. Hubert Dejean de La Bâtie, Vice-Président de la Région Normandie, a rappelé en préambule que la Vallée de Seine absorbe un tiers de l’hydrogène français. Le sujet n’est donc pas nouveau. Mais, il faut passer de l’hydrogène gris à l’hydrogène vert.

Le projet de Port-Jérôme, prénotifié par la France au niveau des IPCEI, permettra de concrétiser cet idéal. Il faut rappeler que le site produira 20 000 tonnes par an d’hydrogène, grâce à un électrolyseur Siemens de 200 MW. L’usine se situe au carrefour des raffineries de TotalEnergies et Esso et des usines d’engrais de Borealis et de Yara. Elle fournira en priorité ces industriels, mais une partie sera utilisée pour la mobilité hydrogène.

La Région Normandie pense qu’il y a aussi un potentiel pour le train hydrogène, notamment sur les lignes Paris-Granville et Rouen-Dieppe. Le Vice-Président a souligné que « plus personne ne se pose la question de savoir s’il faut aller ou pas dans l’hydrogène, on est obligé d’y aller ». Et « nous, on est à fond sur l’hydrogène, avec une dorsale majeure sur l’Axe Seine », a-t-il martelé.

Pour sa part, Nicolas Mayer-Rossignol, Maire de Rouen, Président de la Métropole Rouen Normandie, a fait part d’un alignement des volontés pour décarboner sur cet axe, en faisant référence à Edouard Philippe et Hervé Morin. S’agissant de la mobilité, la Métropole a décidé de faire l’acquisition de 14 bus Van Hool. L’un d’eux était d’ailleurs exposé aux Journées Hydrogène. Les autres arriveront entre septembre et décembre. Affectés à une ligne unique, ces bus seront alimentés en hydrogène vert par une centrale solaire qui fournira l’électricité nécessaire pour un électrolyseur de 2 MW. La Métropole de Rouen s’intéresse aussi aux carburants synthétiques. M. Mayer-Rossignol a rappelé qu’il pouvait libérer du foncier dans la zone industrielle et portuaire, son souhait étant qu’un « pipe commun » puisse faire transiter tout cet hydrogène.

Une barge à hydrogène sera par ailleurs mise en service dans le port fluvial de Rouen. Le projet a pour nom ELEMANTA H2 et rassemble plusieurs partenaires (Améthyste, ArianeGroup, le Cetim, HDF Energy, Rubis Terminal et Sofresid engineering). L’objectif est d’apporter des services d’électrification à quai, en complément du réseau électrique, pour des bateaux de type porte-conteneurs, navires de croisière ou encore tankers. ELEMANTA H2 permettra aussi le soutage en hydrogène pour répondre aux besoins d’avitaillement des futurs bateaux à hydrogène.

séquence d’ouverture : Hubert Dejean de La Bâtie, Nicolas Mayer-Rossignol et philippe boucly

Moteur hydrogène : de plus en plus de demandes selon FEV

A l’occasion de ces Journées Hydrogène dans les territoires, les visites techniques ont permis de mesurer la qualité de l’écosystème local, en particulier dans la technopole du Madrillet, avec notamment le CERTAM et le laboratoire Coria. FEV France a également ouvert les portes de son centre technique de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. L’occasion de communiquer sur le moteur à combustion hydrogène. Et ce moteur était déjà visible sur le stand de l’entreprise.

Il s’agit du moteur « ICE H2 », élaboré en collaboration avec l’écurie Oreca en vue du Dakar. C’est un moteur à combustion qui utilise de l’hydrogène comme carburant, à la place de l’essence. Le groupe allemand d’ingénierie FEV connaît bien l’univers du moteur et de l’hydrogène. Au sein de la filiale française, le centre de Rouen est le seul à disposer de bancs de test pour la pile à combustible et pour le moteur à hydrogène. Agnostique, FEV travaille sur les deux technologies. Le fait est que le moteur à hydrogène gagne du terrain. Ainsi, le site a déjà pu tester une douzaine de moteurs développés par des industriels. La solution du moteur à combustion fait sens, car avec une injection directe, le rendement est quasi-équivalent à celui d’un ensemble pile à combustible et moteur électrique. Le gain est en effet de 99 % pour le CO2 et de 97 % pour les NOx (les oxydes d’azote), un point qui soulève toutefois des critiques.

Pour le secteur automobile, la technologie serait le moyen de se conformer facilement aux normes Euro 7 de pollution, prévues pour 2025. Et, peut-être, de continuer à faire du moteur thermique en 2035 (si le caractère zéro CO2 est reconnu). Quoi qu’il en soit, il y a du potentiel pour le camion et le BTP. Et la liste des industriels qui veulent se lancer dans le moteur hydrogène ne cesse de s’allonger.

Prochaines Journées Hydrogène : ce sera à Pau

En clôture de l’événement, le Président de France Hydrogène, Philippe Boucly, a annoncé que Pau accueillerait les prochaines Journées en 2023. C’est un choix assez logique, car c’est l’une des villes qui a étrenné en France le bus à hydrogène avec le fameux Febus. La flotte, qui compte 8 bus Van Hool, s’étoffera cet été avec 4 bus supplémentaires. Comme l’a indiqué Pierre Ganchou, du réseau Idelis, qui intervenait aux Journées de Rouen, 3,3 millions de voyageurs ont déjà emprunté ces bus, qui ont parcouru 700 000 de km. La station a débité 60 tonnes d’hydrogène. Ce service fonctionne bien, avec 95 % de ponctualité. Il est à noter que les palois ont tous entendu parler de Febus. Et selon un sondage, 33 % des usagers mettent en avant le fait qu’il roule à l’hydrogène.

Cette année, il a été aussi question d’hydrogène pendant le Grand Prix de Pau, le circuit de la ville accueillant par ailleurs un festival dédié aux énergies alternatives en compétition automobile. Sur ce territoire, un autre projet fait parler de lui. Les opérateurs gaziers Teréga et Enagás, le producteur d’hydrogène renouvelable DH2 et l’énergéticien GazelEnergie, sont associés dans le projet franco-espagnol Lacq Hydrogen.

Rendez-vous donc à Pau pour la 10ème édition des Journées Hydrogène dans les territoires.

Pau accueillera la 10ème édition des Journées Hydrogène dans les territoires

Le mot du Président

Lors de la conférence de presse, Philippe Boucly, Président de France Hydrogène, a rendu hommage à Michel Delpon (présent aux Journées de Rouen) qui, en tant que député de la Dordogne, présidait un groupe d’études à l’Assemblée nationale. Néanmoins, il est certain que le député du Rhône Jean-Luc Fugit, par ailleurs Président du Conseil National de l’Air, sera très investi pour reprendre le flambeau.

Dans le contexte actuel, M. Boucly appelle à ne pas écarter le nucléaire et à faire preuve de neutralité technologique. Il a ainsi fait référence au captage du CO2 et aux solutions techniques moins matures, mais intéressantes, comme la thermolyse de la biomasse.

Par rapport aux pouvoirs publics, le Président de France Hydrogène a salué le soutien aux gigafactories et la prise en compte de la production, mais appelle à ne pas oublier les usages. A ce propos, Philippe Boucly a souligné que le bonus écologique n’était pas assez élevé par rapport à l’Allemagne, où 80 % du surcoût est pris en charge pour les véhicules à hydrogène.

Conférence de presse du 5 juillet