La conférence sur le climat de Charm El-Cheikh, en Egypte, n’a pas fait reculer les énergies fossiles. Par contre, elle a reconnu pour la première fois la nécessité d’aider financièrement les pays les plus vulnérables pour faire face aux dégâts causés par le réchauffement climatique.

Par ailleurs, le continent africain a posé des jalons importants dans l’hydrogène au cours de cette COP. En première ligne, c’est l’Egypte qui s’est positionnée. Avant même la COP, à la fin de l’été, les autorités avaient signé des protocoles d’entente d’une valeur globale de plus de 30 milliards de dollars avec des groupes énergétiques étrangers et locaux. Et depuis, il y a eu d’autres signatures. Ces mémorandums prévoient la construction d’unités de production d’hydrogène et d’ammoniac renouvelable autour du port de la mer Rouge d’Ain Sokhna et du Canal de Suez. Ils concernent des entreprises telles que AMEA Power, Alfanar, ACMe Groupe, Globeleq, Fortescue Future Industries (FFI), K&K, ReNew et Scatec. Les français TotalEnergies et EDF sont également positionnés. Et à la veille de la COP27, c’est l’Allemagne qui s’est invitée dans le jeu. Des accords ont été signés avec le ministre égyptien du Pétrole et des Ressources minérales, Tarek el Molla, en vue d’une collaboration dans les secteurs du gaz et de l’hydrogène renouvelable.

Pendant la conférence, un partenariat a été conclu avec l’Europe. Le protocole d’accord sur l’hydrogène renouvelable entre l’Union européenne et l’Egypte, constitue « un élément central de la mise en place d’un partenariat UE-Méditerranée dans le domaine de l’hydrogène renouvelable », selon la Commission. « L’Union européenne et l’Égypte ont négocié ce document avec l’aspiration de répondre aux intérêts des deux parties dans une approche gagnant-gagnant. Notre protocole d’accord est diversifié afin d’atteindre l’objectif de décarbonation, créer des opportunités d’emplois et produire de la croissance économique », détaille l’ambassadeur Omar Abou Eish, représentant du ministre des Affaires étrangères égyptien.

C’est aussi un engagement stratégique pour l’Union européenne qui n’a de cesse de chercher des alternatives au gaz russe. « En Europe, nos besoins en hydrogène vont augmenter jusqu’à 20 millions de tonnes d’ici 2030. C’est beaucoup ! », explique Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne. « Le choix de l’Égypte vient aussi de sa proximité avec l’Europe. Transporter cet hydrogène sur de longues distances est encore techniquement compliqué, mais nous ne parlons pas de longue distance lorsque nous parlons de l’Égypte. L’Égypte est idéalement placée pour cela », ajoute le vice-président. La Commission européenne a également annoncé une contribution de 35 millions d’euros à la nouvelle plateforme égyptienne en charge de la transition énergétique du pays.

Par ailleurs, la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) a décidé d’accorder un prêt de 80 millions de dollars à l’Égypte. Le financement de la BERD servira à la construction par Egypt Green d’une installation de production d’hydrogène par électrolyse de 100 mégawatts, alimentée exclusivement par des énergies renouvelables. Cette entreprise de construction est détenue et exploitée par Fertiglobe, l’un des plus importants exportateurs d’ammoniac au monde. Le pays va accueillir des projets très ambitieux, à l’image de celui d’AMEA Power (une société d’énergie renouvelable basée à Dubaï) et qui va développer un projet d’hydrogène renouvelable de 1 GW, pour la production de 800 000 tonnes d’ammoniac renouvelable. La branche énergie propre du Fortescue Metals Group, appartenant au milliardaire australien Andrew Forrest, a signé pour sa part un protocole d’accord avec le gouvernement égyptien pour étudier un projet de production d’hydrogène renouvelable d’une capacité installée de 9,2 GW. Le ministre de l’électricité Mohamed Shaker avait déclaré que 2022 serait pour l’Egypte « année de l’hydrogène vert ». Le pays a décidé de se doter d’une stratégie nationale de l’hydrogène. Il affirme avoir la capacité de produire de l’hydrogène vert au coût le plus bas du monde, soit à partir de 2,68 $ le kg en 2025 et jusqu’à 1,7 $ le kg en 2050. L’Egypte ambitionne de conquérir 5 % du marché mondial d’ici 2040. Pour cela, le pays devra néanmoins relever deux défis : l’approvisionnement des électrolyseurs en eau douce, et la manière de relier les sites de production d’hydrogène renouvelable avec les ports maritimes.

Durant la COP27, d’autres pays ont signé des accords comprenant un volet (parfois prédominant) sur l’hydrogène. C’est le cas de la Namibie qui a passé un accord avec l’Union Européenne autour de l’hydrogène renouvelable et des matières premières. Les deux parties ont élaboré une feuille de route pour la période 2023-2024. Elles mèneront ainsi des actions conjointes avec des acteurs industriels et financiers de l’UE et de la Namibie. L’accord permettra de mettre en service et de promouvoir les chaînes de valeur des matières premières et de l’hydrogène renouvelable. Il porte par ailleurs sur la recherche et l’aménagement d’infrastructures. Les parties prévoient de travailler à l’établissement de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, partagés. La Banque Européenne d’investissement (BEI) s’engage également à approfondir sa coopération à l’appui des énergies renouvelables avec la Namibie, avec à l’appui un prêt de 500 millions d’euros.

A noter qu’à l’échelle du continent africain, il faudra compter sur l’Africa Green Hydrogen Alliance, lancée en mai dernier par le Kenya, l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Égypte, le Maroc et la Mauritanie. La structure permet de mieux collaborer, d’harmoniser leurs cadres politiques et réglementaires, et de développer des solutions communes de financement. La coalition a reçu le soutien de plusieurs instances liées aux Nations Unies (UN Climate Change High-Level Champions, UN Economic Commission for Africa), mais aussi de la Green Hydrogen Organisation, ainsi que de l’African Development Bank. Et depuis, bon nombre de pays africains semblent vouloir s’inscrire dans le sillage de cette alliance.

« L’hydrogène est devenu plus visible dans le cadre de la COP27, encore plus qu’à Glasgow lors de la COP26 qui avait initié ce mouvement », lance Mikaa Mered, analyste et enseignant en géopolitique de l’hydrogène à Sciences Po Paris et HEC. Membre par ailleurs de la Task force hydrogène du MEDEF International (qui était sur place), il observe que le thème a été abondamment traité, sous forme de conférences et de tables rondes. Cet expert relève que les pays africains ont profité de l’événement pour présenter leur stratégie. C’était le cas notamment de l’Egypte, mais aussi de la Namibie (qui a présenté sa marque GH2), ou encore de la Mauritanie. Mais pas que… Mikaa Mered relève ainsi que « la Grèce et la Belgique ont présenté leur stratégie nationale ». La première a fait son annonce la veille de la COP et la seconde a profité de l’événement pour annoncer son intention d’organiser une conférence mondiale sur l’hydrogène. Côté européen, le Clean Hydrogen Partnership (CHP) a été « très visible ». Il a organisé un Hydrogen Transition Summit COP 27, le 8 novembre. Ce débat sur la coopération entre l’Europe et l’Afrique était modéré par Bart Biebuyck, directeur exécutif du CHP, et réunissait des décideurs, des industriels et des investisseurs. La France et la filière étaient bien sûr également représentées par une délégation du ministère de la Transition énergétique, le président de France Hydrogène Philippe Boucly, et des entreprises telles qu’Engie et TotalEnergies.

« C’était une répétition, en attendant la COP28 qui se déroulera à Dubai et où tous les acteurs pourront se retrouver autour de la table », relève Mikaa Mered. Lequel fait remarquer que « l’hydrogène bas carbone est au coeur de la diplomatie des Émirats, qui veulent préparer l’après-pétrole ».