La société Verso Energy, spécialisée dans la transition énergétique, va produire de l’hydrogène renouvelable à Carling, en Moselle. Un projet qui s’inscrit dans le prolongement de MosaHYc afin de décarboner l’industrie transfrontalière entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg.

Comment avez-vous été amené à vous investir dans le projet CarlHYng ? 

Alors que le projet MosaHYc, qui prévoit la mise en place d’infrastructures entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg, était déjà lancé, il est apparu que l’offre en matière d’hydrogène n’était pas suffisante. Alors, nous avons cherché un site propice, le long de ce pipeline. La ville de Carling est vite apparue comme un choix évident, car c’est un territoire d’industrie, avec une présence d’infrastructures, un accès à l’électricité et l’eau, et surtout un savoir-faire et des compétences. Le projet a été bien accepté, car il permettait de conserver une dynamique d’industrie et d’y apporter le volet transition énergétique, après la fermeture d’une centrale à charbon. Nous bénéficions d’un fort soutien des élus locaux, dont ceux de l’agglomération de Saint-Avold, mais aussi de la région Grand-Est. 

C’est votre premier grand projet ? 

C’est le premier sur lequel on a pu communiquer, mais nous développons d’autres projets ailleurs, comme par exemple à Rouen, en capitalisant sur les enseignements et retours d’expérience engrangés avec CarlHYng. C’est aussi le plus avancé, puisqu’après 18 mois de travail nous avons pu entamer la concertation préalable. Comme nous y invite la Commission nationale de débat public, il est essentiel d’informer la population du territoire. C’est un exercice important, qui est prévu jusqu’au 18 décembre. Nous allons tenir compte des observations et procéder, début 2024, au dépôt de la demande d’autorisation ICPE. Il y aura ensuite un an d’instruction, une enquête publique et la délivrance de l’autorisation attendue pour fin 2024. Ce sont les délais de l’administration. Verso Energy prendra sa décision finale d’investissement mi-2025. Nous tablons sur une production d’hydrogène renouvelable d’ici fin 2027. 

Comment va s’opérer la montée en puissance ? 

Le projet CarlHYng prévoit trois unités de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau qui seront successivement mises en service : la première fin 2027, la seconde en 2029 et la troisième en 2030. À terme, la production cumulée atteindra 51 000 tonnes d’hydrogène par an (17 000 tonnes par unité d’une puissance de 100 MW). Il est à noter que le projet associe aussi RTE et GRTGaz, qui sont en charge des réseaux de transport de l’électricité et du gaz. Et nous avons choisi Siemens Energy comme partenaire technique pour les électrolyseurs. Cela renforce la dimension franco-allemande de ce projet, d’autant plus que Siemens Energy produira ces électrolyseurs en coopération avec Air Liquide dans une giga-factory d’électrolyseurs qui vient d’être inaugurée à Berlin.  

Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre société ? 

Verso Energy est un acteur assez unique, qui a une approche intégrée de l’électron à la molécule (qu’elle soit d’hydrogène ou l’un de ses dérivés comme les carburants de synthèse). Une part significative de l’électricité qui alimentera nos électrolyseurs sera ainsi produite par nos propres centrales renouvelables, surtout solaires photovoltaïques, avec la volonté de maîtriser le prix et la traçabilité de l’électron. Avec 50 millions d’euros levés en début d’année 2023, nous ne sommes plus une start-up, même s’il nous reste du chemin à parcourir et des défis à relever. Nous nous en donnons les moyens avec une équipe issue de multiples horizons, des énergies renouvelables à l’industrie pétrochimique, riche de cette complémentarité d’expertises et de savoir-faire.  

Comment voyez-vous la suite des opérations ?  

Nous avons plusieurs projets en France. Pour nous, il y a une convergence assez naturelle entre la production d’énergies renouvelables et les molécules de synthèse, hydrogène ou e-fuels, et la France dispose de nombreux atouts pour devenir le leader européen dans ce domaine. Le risque serait que notre pays restreigne ses ambitions en matière de décarbonation de l’industrie en raison de craintes sur le bouclage énergétique. Face à un possible manque d’électricité, il ne faut pas revoir à la baisse nos objectifs de production d’hydrogène mais au contraire produire davantage d’électricité bas carbone. A titre d’exemple, aujourd’hui notre pays ne raccorde que 2 GW de nouvelles capacités solaires par an, alors que l’Allemagne déploie le même volume en seulement 2 mois et vise un rythme annuel de 22 GW à partir de 2026. C’est possible à condition de le vouloir !  

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Des e-fuels à Rouen 

Verso Energy investira 500 millions d’euros dans une nouvelle unité de production d’hydrogène renouvelable, sur le site de Grand-Quevilly appartenant à Haropa Rouen et y produira des carburants de synthèse pour navires. Diffusé par Haropa port, le communiqué fait état de la signature d’une convention entre Haropa et Verso Energy pour l’implantation d’une unité industrielle de production d’hydrogène bas-carbone et de carburants de synthèse (e-fuels) sur la zone portuaire de Rouen. Ce sera plus exactement au Grand-Quevilly, avec à la clé près de 150 emplois directs. La mise en production est prévue en 2029. Le projet prévoit une production d’hydrogène par électrolyse de l’eau pouvant atteindre une capacité de 350 MW, soit un volume de plus de 50 000 tonnes d’hydrogène par an. À travers ce projet, Haropa port confirme son rôle de leader dans la transition énergétique avec un nouveau projet industriel de production d’hydrogène renouvelable et de carburants de synthèse à Rouen. Il fait suite au projet Salamandre d’Engie au Havre, pour la production de biométhane et de kérosène de synthèse. Quant à Verso Energy, c’est un autre projet d’envergure après CarlHYng en Moselle.