Cet été, l’Europe a autorisé plus de 5 milliards d’euros d’aides publiques pour la recherche sur l’hydrogène dans le cadre d'un projet regroupant 15 pays et 35 entreprises, à travers 41 projets. C’est qu’on appelle un Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC), ou en anglais un IPCEI.

La Commission européenne a autorisé, en vertu des règles de l’UE en matière d’aides d’État, un IPCEI visant à soutenir la recherche, l’innovation, ainsi que les premiers déploiements industriels dans le domaine de l’hydrogène. Baptisée Hy2Tech et focalisée sur la fabrication des technologies de l’hydrogène (usines d’électrolyseurs, de réservoirs, de piles …), la « 1ère vague » de cet IPCEI a été élaborée et notifiée conjointement par quinze États membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie et la République Tchèque. Les États membres assureront un financement public pouvant aller jusqu’à 5,4 milliards d’euros, qui devraient stimuler 8,8 milliards d’euros supplémentaires d’investissements privés. Soit un total de 14,2 milliards d’euros. Le projet fédère au total 41 initiatives impliquant 35 entreprises (grands groupes, PME ou start-ups).

Chez France Hydrogène, on accueille avec satisfaction l’annonce de cet été. « Ce n’est pas une surprise, mais cela n’a que trop tardé », relève son Président, Philippe Boucly. « On ne peut pas d’un côté demander aux industriels d’accélérer et de l’autre tarder à sortir un cadre réglementaire et les moyens financiers qui vont avec », lance-t-il.  

La France est le pays le plus représenté avec 10 projets validés, dont des usines de piles à combustible adaptées à des usages de mobilité routière, ferroviaire et navale (Symbio, Hyvia, Helion by Alstom, Arkema), d’électrolyseurs (Elogen, Genvia, John Cockerill, McPhy), et de réservoirs (Faurecia, Plastic Omnium). L’Italie est le 2ème pays bénéficiaire par nombre de projets, avec 6 projets retenus, suivi par l’Allemagne.

Parmi les lauréats, Symbio se félicite d’avoir été retenu parmi les IPCEI, pour son projet Hymotive. Celui-ci prévoit la production de 100 000 piles à combustible par an, à partir de 2028. Et avec 1 000 employés de plus à la clé. Ce financement va permettre d’amplifier la production, avec la construction de sa gigafactory de Saint-Fons, près de Lyon. Implantée dans la vallée de la chimie, cette usine baptisée SymphonHY va produire 50 000 piles par an. Ce vaisseau-amiral hébergera aussi le siège social du groupe, le centre de recherche, la Symbio H2 Academy, ainsi qu’un incubateur à start-ups. Un second site verra le jour en France d’ici 6 ans. Il permettra d’industrialiser des produits reposant sur une autre technologie.

Chez les fabricants d’électrolyseurs, McPhy rappelle que son projet de gigafactory à Belfort a pour objectif le développement de produits de nouvelle génération et le déploiement industriel de leur production en série. La décision finale d’investissement sera prise prochainement, après confirmation définitive par les autorités françaises du montant de l’aide publique et la contractualisation des termes de la mise à disposition de cette aide avec Bpifrance. Autre réaction : celle d’Elogen, retenu dans la catégorie « Technologie de production d’hydrogène ». Le projet consiste, d’une part, à accroître l’intensité de sa R&D pour développer des stacks innovants d’électrolyseurs à membranes échangeuses de protons, et, d’autre part, à construire à Vendôme (Loir-et-Cher) une usine permettant la production en masse de ces stacks. Pour mémoire, la gigafactory d’Elogen à Vendôme démarrera sa production en 2025 et sera dotée d’une capacité de production de 1 GW. Pour sa part, John Cockerill rappelle que le cœur de son projet porte sur la recherche et l’innovation dédiées à la conception d’un électrolyseur alcalin de 5 MW, 1000 Nm³/h à 30 bars et sur l’industrialisation de sa fabrication à grande échelle en Belgique et en France. John Cockerill a pour ambition de développer une capacité de production de 1 GW d’électrolyseurs à l’horizon 2030.

Bruxelles estime que les aides publiques au projet Hy2Tech sont nécessaires, car les mécanismes de marché ne permettent pas à eux seuls de faire naître ces technologies de rupture, en raison des risques financiers de ces investissements pour les entreprises. La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a souligné que les projets annoncés constituent « une illustration de la coopération européenne réellement ambitieuse pour la poursuite d’un objectif clé commun ». Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, a quant à lui déclaré qu’avec « cet IPCEI, nous voyons la production européenne d’hydrogène passer « du laboratoire à l’usine », et notre industrie « convertir sa maîtrise technologique en leadership commercial ».